Un éclat dans le noir #5

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Chapitre 262 des Chroniques de Livaï

Nous regagnons le Mur Maria au galop, talonnés par des titans qui nous ont aperçus plus tôt

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Nous regagnons le Mur Maria au galop, talonnés par des titans qui nous ont aperçus plus tôt. J'enrage de ne pouvoir me battre ! Les lignes arrières ont été dépêchées pour les intercepter et cela ne devrait pas leur poser de problème, mais je peux pas m'empêcher de penser que ma place est avec eux. Je déteste rester inactif et impuissant quand le danger rôde...

Mais on m'a enlevé mon dispositif, qui était cassé, et ceux qui étaient disponibles ont été donnés aux valides. Mais je le suis, putain ! Si Erwin voulait bien me lâcher la grappe ! C'est vrai, j'ai quelques vertiges mais c'est pas grave ! Moins que ce qui se trame derrière ! Mais je le ferais pas plier là-dessus. Et puis... il m'a sauvé, non ? Je me dois de lui obéir au moins à cause de ça...

Je me souviens de pas grand chose entre le moment où je suis sorti de la forêt et quand je me suis réellement réveillé face à Greta. Une chevauchée dans le noir, et le son des battements de coeur d'Erwin contre mon oreille... Je sais pas comment j'ai fait pour deviner que c'était lui, mais je pense que c'est bien la sensation que j'avais, la plus forte... Ca ne pouvait pas être quelqu'un d'autre... Puis je me souviens vaguement avoir oscillé entre semi-conscience et évanouissement pendant un moment. J'entendais ce qu'on me disait et mon corps répondait sans que j'ai vraiment eu la volonté de le faire. Comme si j'avais été une espèce de machine réglée en mode survie. La douleur dans mon bras... la voix d'Erwin qui me parlait des baleines, je crois... les doigts du médecin sur ma tête, je m'en rappelle bien ; les quelques bouchées avalées aussi... Puis la chaleur dans ma tête, et la transpiration... Les cauchemars... où je les voyais tous morts.

A chaque fois que je fermais les yeux, c'était l'éclat de la lame d'acier qui me réveillait...

Greta est restée longtemps près de moi, et après ils se sont relayés pour me veiller. J'étais vraiment soulagé de la voir saine et sauve ; ce soulagement m'a permis de faire abstraction de toutes les autres morts ; pendant un moment.

Ce matin, je me sens mieux. Ma fièvre est tombée, mais Erwin a bien vu que j'étais pas au mieux de ma forme. Le médecin en chef a appuyé son ordre en m'interdisant de reprendre les armes tout de suite. Fais chier... Tous ces gens qui s'inquiètent trop pour moi comprennent pas qu'il y a des trucs que je supporte pas ! Et le silence de Greta... C'est le pire...

On a pas parlé. Pas encore, on s'est jamais retrouvés seuls. Elle s'en veut, elle doit avoir compris ce qui m'est arrivé. Mais elle a bien fait de continuer sa route, sans elle la réappro était perdue. Je suppose qu'elle n'en a rien dit à Erwin, elle doute encore. Pas moi. Je sais ce qui s'est passé. Et je le garderais pour moi jusqu'à ce qu'elle se décide à le révéler elle-même. C'est comme un secret entre nous maintenant.

Je me redresse et regarde l'escouade d'Erwin en train de galoper derrière moi, à quelques mètres. Je tiens au moins à observer ce qui se passe. Il y a quatre titans à nos trousses, et on ne dirait pas des déviants. Mike doit être en train de les combattre car je ne le vois pas. Ce que je vois par contre, c'est que d'autres mochetés nous aperçoivent sur les côtés de la route et vont pas tarder à rejoindre la danse. J'aimerais y aller, mais je peux pas ! Je tords le foulard de maman autour de ma main pour me calmer. Je peux que regarder Erwin indiquer à Greta et Steffen une direction pour chacun et les lancer dans la bataille à leur tour. J'essaie de comprendre à quoi il pense en ce moment. Il s'en veut de ce qui est arrivé ? A moi et aux autres ? Il devrait pas, il a fait ce qu'il fallait. On a atteint ce refuge inespéré dans ces terres sauvages et dangereuses, et cela aurait été pire si on l'avait pas fait. Les arbres dans la forêt auraient pas pu nous servir d'abri, ils étaient pas si hauts et épais que ça, je m'en souviens. On aurait été à la merci de ces monstres. Grâce à lui le bataillon a encore gagné du terrain. Au prix de nombreuses vies, et c'est bien regrettable, mais c'est notre travail ; se sacrifier s'il le faut... Je l'aurais fait aussi, sans hésiter.

La mort ne m'effraie plus depuis longtemps. Mais je tiens à ce qu'elle soit utile. Ces morts l'ont été. C'est ce que je dois me dire.

Le son des canons retentit enfin. Ils y ont mis le temps ! Ajustez mieux vos tirs cette fois, les gars ! On a bien assez morflé comme ça ! Un des titans prend un obus en pleine tronche et s'écroule en arrière sur un de ses potes. C'est pas fini, les autres se ramènent ! Je serre le poing de ne pouvoir les repousser moi-même... Mon bras me fait encore mal et ma tête aussi, mais je me sais capable de leur faire face ! Je laisse tomber, c'est trop tard. Je peux que rester assis à regarder pendant que mes camarades se font peut-être tuer !... Non, je crois que ça va. J'en vois revenir vers le convoi ; en restant groupés, on permet aux gars là-haut de tirer avec plus de liberté. On va faire une entrée remarquée.

Les titans perdent du terrain grâce au feu nourri et la porte de devant se dresse enfin devant nous. Je m'allonge dans le chariot, rassuré que ce soit fini. L'arche me cache le soleil pendant un instant puis tout à coup, le retour à la civilisation me perturbe. Le bruit des voix des habitants de Shiganshina nous cerne de toutes parts, des cris fusent, des pleurs éclatent, comme la dernière fois ; comme à chaque fois...

C'est triste de s'y habituer...

Je me redresse encore et manque de me faire frapper par un caillou lancé au-dessus du chariot. Encore ces connards qui trouvent rien de mieux que d'essayer de nous achever ! Je vais m'en faire un ! Mais mon voisin me retient au fond du chariot en secouant la tête pour me dire que ça sert à rien. Je sais, leur colère est légitime. Ils ont besoin de la décharger sur nous, mais les cailloux, les pierres, ou quoi que ce soit d'autre... je le tolère pas ! Je m'agrippe au rebord du chariot pour regarder ce qui se passe autour de moi.

La clameur enfle petit à petit, des bras se lèvent dans la foule et de temps en temps, un "Shadis, espèce d'enfoiré !" se détache du bruit ambiant. Les pierres volent d'abord en petit nombre, puis c'est une véritable volée de pierraille qui s'abat sur les explorateurs. Notre chariot en est bientôt rempli... Je sens toute la haine que porte chacun de ces projectiles, petits en taille mais énormes par leur signification... Je vois Erwin et le reste de l'escouade assaillis par cette grêle de ressentiment, de chagrin, d'agressivité, et je me mords les doigts de devoir me taire...

Mais je le fais pas longtemps. Je ramasse ces gravats et me mets à les leur lancer en retour, avec toute l'énergie qu'il me reste, un début de larme dans les yeux, en me disant à quel point c'est injuste ! Personne ne les a obligés à venir, vos frères, vos maris, vos enfants, putain ! Ils sont morts pour vous, pour que vous puissiez avoir une vie meilleure un jour ! Vous le voyez pas, bande d'enfoirés !? On a failli crever pour ça nous aussi, alors laissez-nous en paix !

La garnison essaie de calmer la foule, mais rien n'y fait. Erwin, le visage couvert de bleus, s'avance vers moi et me plaque contre le fond du chariot. J'ai même pas la force de le repousser ; cet accueil m'a terrassé plus que toute autre chose... Je... je me bats pour ces types ? Pour ces gens qui comprennent rien ?!

Tandis que sa main s'éloigne de moi et que j'essaie de la retenir, je murmure quelque chose pour moi-même, un truc que j'avais sur le coeur depuis un moment mais que j'ai jamais osé dire de vive voix. Je pense même pas qu'il l'ait entendu.

Je pense que c'est plutôt pour toi que je fais ça... parce qu'à part en toi, je sais pas vraiment en quoi je peux croire...

Les Chroniques de Livaï ~ EruRi Only [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant