"'Attendez!'
Thierry, qui soutenait Maël depuis notre entrée dans la ville, intervint.
'Maël de Péradec n'aurait jamais pu nous trahir. C'est un catholique rigoriste. Ils supportent pas les mahométans, c'est bien connu.
-Alors pourquoi cette agression?
-La chaleur, le manque d'eau et de nourriture convenable, tout cela peut expliquer cette réaction, répondit le médecin à sa place. Mon général, avez-vous vu l'état dans lequel il se trouve? Dans lequel se trouve toute l'armée?'
Le Général ne répondit pas et regarda les visages amaigris de ses soldats. Tous le fixaient avec un semblant de reproche. Le médecin reprit:
'La viande séchée est verte, je l'ai vue. Le beurre... mais ce n'est pas du beurre; de la graisse tout juste bonne à allumer une lampe! Quant à l'eau... si nous tombons à cours de vin pour la purifier, nous n'aurons plus qu'à choisir entre mourir de soif ou de dysenterie.'"
"Peut-être était-ce pour éviter une mutinerie, ou pour se donner bonne conscience, mais Maël eut droit à des soins et à trois jours dans l'infirmerie avant de passer au nerf de boeuf. Il écopa de cinquante coups. Quand on l'allongea sur un lit de fortune, notre médecin nous examina tour à tour, et déclara:
'C'est la première et la dernière fois que je mens à un général. Que lui est-il vraiment arrivé?'
Il montra Maël de la tête. Je lui racontai l'histoire. Quand j'eus terminé, il siffla:
'Quelle ordure. Si j'avais été son supérieur... mais enfin, il ne faut pas présumer, dans notre situation. Il s'en tirera à non compte. Et j'ai au moins réussi à en sauver un.
-Pourquoi vous avez pris sa défense? Enfin, sans vouloir vous offenser.'
Il rit.
'Tu ne m'offenses pas. Viens avec moi.'
Il ordonna à l'un de ses auxiliaires de surveiller Maël, et m'emmena dans une salle attenante remplie de malades gémissants, se tenant le ventre ou claquant des dents.
'Ne les approche pas. Ils sont hautement contagieux.'
Comme j'avais l'air curieux, il précisa:
'Le typhus.
-Ils sont beaucoup.
-Et oui. Comme nous n'avons pas la dysentrie... il fallait bien que quelque chose vienne perturber notre calme monacal! L'un des aumôniers est malade, lui aussi. Péradec s'est mis en tête de le remplacer et de prier pour l'âme de ces malheureux. Je ne suis pas particulièrement croyant, vois-tu, mais de savoir qu'ils mourront pardonnés les calme. Le soulagement moral n'est pas une piste à négliger, même si nous ne pouvons guérir avec une simple prière.
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journal
Ficción históricaPrintemps 1833, Pays de Retz, Loire Inférieure Iris de Douarnez, la cadette, continue son apprentissage auprès de son père, selon les circonstances. Depuis qu'elle a lu la lettre de Monsieur Faure, elle n'ose pas annoncer l'affreuse nouvelle à Maël...