Chapitre 8

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"Ils enterrent Madame Ansond aujourd'hui."

Iris se tourna dans son fauteuil pour regarder le biographe.

"Je vous demande pardon?"

Théophile n'avait que peu dormi. Pourtant, il s'était levé à l'aube pour la trouver en train de prendre son petit déjeuner.

"Madame Ansond est morte hier, rectifia-t-il. Ils l'enterrent aujourd'hui.

-Ah."

Pas un mot de plus.

"Vous ne vous y rendrez pas, devina-t-il.

-Pourquoi voudriez-vous que je m'y rende? Je ne suis pas sortie de chez moi depuis des années. Je ne vais pas entrer dans l'église telle une apparition pour venir chercher l'âme de Madame Ansond!

-Alors je dois être présent.

-Biensûr. Et même mieux."

Elle fit tinter la clochette, et Marthe ne tarda pas à entrer dans la pièce.

"Madame?

-Pourquoi ne m'as-tu pas prévenue du décès de Madame Ansond?"

La domestique hésita, gênée.

"C'est que... ça s'est passé seulement hier, et que vous n'aviez pas l'air dans votre assiette, hier

-Quand l'enterrement aura-t-il lieu?

-En milieu d'après-midi, Madame.

-Tu diras à Quentin d'aller chercher le cercueil avec la nouvelle charrette. Je veux aussi que tu accompagnes Monsieur Dieudonné à la messe pour me représenter.

-Bien, Madame. Autre chose?

-Ce sera tout."

Le ton était sec, aussi Marthe s'y plia sans attendre et disparut comme une ombre.

"Je n'arrive pas à croire qu'elle m'ait caché une telle chose, marmonna la vieille dame.

-Elle avait de bonnes raisons, à ce que j'ai entendu.

-Asseyez-vous."

Théophile obéit de bonne grâce.

"Vous avez rencontré l'abbé?

-À mon plus grand damne.

-Il paraît qu'il s'amuse à raconter à qui veut l'entendre que je suis une athée endurcie et débauchée par Satan.

-Il me l'a reproché aussi. Pas d'être envoyé par le Diable, mais de vouloir 'bouffer du curé'."

Madame de Douarnez rit doucement.

"Mon pauvre Théophile! Avec votre nom, j'ignore comment l'on peut penser une telle chose de vous.

-Et vous?

-Il a tord, bien entendu. Je ne crois pas au Diable non plus."

La plus vieille athée de la région se tenait devant lui. Décidément, sa cliente semblait battre tous les records!

"Vous ne croyez donc en rien?

-Ne prenez pas cet air désolé, le scribe! Je m'en tire très bien ainsi. La seule désolée à l'époque était Marianne. Mais elle est en Enfer, maintenant, d'après ce que l'on m'a enseigné.

-Elle n'y est pas."

Iris le regarda étrangement, et il se sentit obligé de corriger:

"Je le pense avec sincérité.

Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant