Chapitre 34

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"Maël demeura délirant pendant trois semaines, où nous envisageâmes le pire. Puis, au bout de ces trois semaines, la fièvre commença à baisser. Nous nous relayions pour veiller sur lui, Estève, Thierry et moi, et nous pûmes cesser de nous inquiéter. Les médecins venaient le soigner tous les jours, Joseph et Armand entraient à l'occasion. Ce dernier s'asseyait généralement dans un coin et grifonnait dans des carnets qu'il cachait dans sa veste quand des visiteurs Arabes entraient. Je ne m'interrogeais pas davantage et le laissais dans son coin."

"Juillet touchait à sa fin et, alors que nous avions fait de notre mieux pour faire tomber la fièvre de Maël, un vent bienvenu rafraîchissait l'air ambiant. Armand gribouillait dans son coin, et je m'endormais malgré moi. En tailleur, luttant contre la fatigue, j'aperçus un mouvement à côté de moi. Alerté, je relevai la tête; Maël avait ouvert les yeux et regardait autour de lui d'un air ensommeillé. Je m'approchai en vitesse de lui.

'Je vais prévenir les autres!' s'écria Armand en filant.

Je le laissai partir, trop content de voir mon ami réveillé.

'Ça va?' lui demandai-je.

Il me fixa, perdu, et voulut dire quelque chose. Comme il n'arrivait pas à parler, je lui tendis une outre. Il but à grandes goulées avant de parvenir à articuler:

'Que faisait-il?'

Je mis un moment à comprendre qu'il parlait d'Armand.

'Lui? Oh, rien. Il se met dans un coin et il gratte son carnet.

-Mais qui est-ce?'

Il observa les alentours avec méfiance et se redressa.

'Où sommes-nous?'

Je le forçai à se rallonger.

'J'te réponds si tu t'tiens tranquille. Tu peux bouger ta main gauche?'

Étonné par ma question, il remua les doigt qui lui restaient et s'aperçut qu'on avait modifié son bandage.

'On m'a...

-Ils t'ont coupé ton bout d'doigt, confirmai-je. Il devenait dangereux. On a eu peur, tu sais. Que tu t'réveilles pas.

-Que s'est-il passé, Donatien ?

-Ah, il est enfin debout!'

Estève se précipita à son chevet, tandis que Thierry, plus pudique, s'était arrêté à ses pieds et qu'Armand et Joseph attendaient à l'entrée. Il s'exclama:

'Té, que je vous ai dit!La Bonne Mère, elle, elle m'écoute !

-Je ne comprends rien, insista Maël.

-Ah, mais c'est simple pourtant; tu es resté avec un doigt pourri pendant au moins un mois et tu n'as rien dit jusqu'à ce que tu tombes presque mort dans les bras de l'émir.

Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant