"Lorelei me raccompagna à ma chambre; Agathe nous attendait, les bras croisés et un air légèrement réprobateur encré sur ses traits.
'Madmoiselle Lorelei, si vous voulez bien, je souhaiterais commencer par préparer votre sœur pour la nuit', lui dit-elle d'une voix douce.
L'air réprobateur ne s'adressait bien évidemment pas à Lorelei."
"Cette dernière acquiesça et me laissa seule avec notre nourrice. Après m'avoir aidé à retirer mes jupons et mon corset et avoir démêlé mes boucles en silence, je lui dis:
'Je sais que j'ai fait quelque choses de mal.
-Le savoir est important, se repentir l'est aussi.
-Certes, je n'aurais pas dû faire preuve de tant d'insolence. J'étais en colère.
-Et il serait bien que vous contrôliez votre colère pour pouvoir devenir adulte.
-Mais elles se réjouissaient de bouts de rubans alors que Maël est peut-être mort, Agathe! Des bouts de rubans!
-Chacun a sa façon de combattre son chagrin. Vous ne supportez pas de ne rien faire, votre père se plonge dans ses obligations. Votre mère et votre sœur se projettent dans un avenir plus heureux.
-Je ne comprends pas...
-Vous vous êtes montrées très condescendante cet après-midi. Votre mère ne méritait pas que vous lui parliez sur ce ton. Elle fait ce qu'elle peut pour vous comprendre.
-Toi, tu ne cherches pas à me comprendre et tu m'aimes quand même.
-Moi, je ne suis pas responsable de votre avenir.'
Je ne répondis rien; elle avait en partie raison. Elle finit son travail en silence et me laissa seule. Je me couchai donc encore pensive, songeant que je devrais éventuellement aller m'excuser."
"Mon père me réveilla le lendemain à quatre heures pile, en faisant claquer ma porte.
'Debout.', me jeta-t-il avant de disparaître dans le couloir.
Je lui obéis, peu optimiste quant au déroulement de la matinée. Et j'avais raison de m'en faire."
"Mon père ne m'adressa la parole que pour me lancer quelques directives courtes et sèches. Je crois même que tous les employés qui conversèrent avec nous remarquèrent son changement d'attitude. Sur le chemin du retour, j'osai tout de même lui dire:
'Je me suis comportée de manière abjecte envers Maman, je le sais.
-Nous ne t'avons pas élevée pour que tu deviennes une enfant gâtée et arrogante. Et j'espère que la chance que je t'ai donnée ne t'a pas fait croire que tu avais le droit de te considérer au dessus des autres. Ai-je fait une erreur en te prenant avec moi?
-Non, Papa. J'irai m'excuser cet après-midi, si Maman accepte d'entendre mes excuses.
-Je n'en attends pas moins.'
Il me regarda un instant, avant de soupirer.
'Tout n'est pas de ta faute, cependant. Tu n'es pas la principale raison de notre dispute.
-Vous vous disputiez à propos de Lorelei et moi; nous vous avons entendus.
-Vous n'aviez pas à l'entendre.'
Je hochai la tête, gênée. Je n'avais pas vraiment envie de le contredire. Mais celui-ci déclara:
'Nous nous disputions à propos de votre avenir. Ta mère a plus d'espoir dans celui de ta soeur; je pense que le tien sera moins malheureux.
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journal
Fiksi SejarahPrintemps 1833, Pays de Retz, Loire Inférieure Iris de Douarnez, la cadette, continue son apprentissage auprès de son père, selon les circonstances. Depuis qu'elle a lu la lettre de Monsieur Faure, elle n'ose pas annoncer l'affreuse nouvelle à Maël...