"'Tu vas faire quoi? osai-je lui demander.
-Je vais accepter.
-Maël, insista Estève, tu n'es pas obligé de faire ce que veut ta famille. C'est ton choix.
-Exactement, Estève. Et je vais accepter.'
Estève secoua la tête, navré.
'Maël, tu vas passer toute ta vie avec elle. Tu pourrais trouver quelqu'un...
-Qui?'
Estève se trouva pris de court. Maël le fixait sévèrement; sa question ne tolérerait aucune réponse.
'Joséphine est morte, Virginie est mariée. Je suis un petit noble sans revenu, avec une formation de gestionnaire et un père qui ne prendra jamais ma responsabilité. On m'offre une chance de construire ma situation, avec une femme plus noble que moi. Il est très certainement préférable qu'il en soit ainsi.
-Et tu pourras être heureux comme ça? Et ta femme? Elle sera heureuse? Je ne pense pas qu'on lui ait demandé son avis. Je te rappelle que toutes les femmes qui sont venues me voir étaient mariées.
-Mon oncle et ma tante ont fait un mariage de raison, et ils s'entendent très bien, à défaut de s'aimer. Et le seul mariage d'amour que j'aie jamais connu s'est fini par la mort de ma mère et mon abandon.'
Notre ami provençal haussa les épaules, vaincu.
'Écoute, tant que c'est ce que tu veux, je te soutiens. Mais elle, tu vas faire comment pour la rendre heureuse?
-Je pense qu'elle sait aussi où sont ses intérêts. Nous nous entendrons.
-Si tu le dis.'"
"Estève n'avait pas l'air convaincu; Maël non plus. C'était cela qui m'inquiétait. Il semblait le faire en désespoir de cause, sans doute pour des raisons que je ne connaissais pas. Chez moi, on se mariait pour agrandir son domaine agricole, ou parce qu'on se connaissait depuis longtemps. Pas pour arrêter des guerres. Et je pense très sincèrement que les de Douarnez ne s'étaient pas mariés pour des raisons politiques au moins depuis la Révolution."
"Le contrat fut rédigé par un officier d'Etat civil des bureaux d'Oran, signé par Maël et par moi, le témoin, et envoyé, avec l'officier d'Etat civil, chez l'Émir. Maël écrivit encore une fois à son oncle pour lui dire qu'il devrait être à Marseille au 1er septembre. Puis le contrat nous revint; Abd El Kader l'avait lui-même signé, de même que sa mère. Sa cousine n'avait pas vingt et un ans et ses parents étaient décédés; il fallait que les tuteurs expriment leur accord."
"La rencontre eut lieu le 29 juillet, sous un arbre à quelques kilomètres d'Oran. Personne n'était là, à part nous, notre sergent, notre lieutenant, le Général et quelques fonctionnaires et militaires haut gradés. Eux ne seraient pas susceptibles de provoquer d'esclandre."
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journal
Historical FictionPrintemps 1833, Pays de Retz, Loire Inférieure Iris de Douarnez, la cadette, continue son apprentissage auprès de son père, selon les circonstances. Depuis qu'elle a lu la lettre de Monsieur Faure, elle n'ose pas annoncer l'affreuse nouvelle à Maël...