Chapitre 20

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"Je restai en froid avec Maël pendant un certain temps. Son comportement ne m'avait pas plu, et il ne semblait pas se rendre compte de l'immoralité de ses actes. J'essayai quelques fois de me convaincre que c'était comme ça chez les gens de bonne famille, mais rien n'y fit. Monsieur de Douarnez brillait en partie par la rigueur de sa fidélité envers sa femme et par la totale absence de maîtresse, bien qu'il lui aurait été aisé de prendre la femme de chambre de Madame, qui ne manquait jamais de louer les vertus de son employeur a chaque fois que l'on parlait de lui. Maël n'avait pas suivi son exemple, tout simplement. Moi, comme je te l'ai dit, je n'ai jamais eu que ta grand-mère, et nous allions nous marier après mon service."

"Le Général avait mis au point des petites patrouilles, envoyées hors des murs de la ville pour examiner le terrain. Cette stratégie s'était développée alors que les Berbères avaient cessé de nous harceler au bas des remparts et avaient compris que nous affamer en bloquant les voies de ravitaillement terrestres avait un plus gros impact. Nous étions réduits au beurre rance, à la viande avariée et au vin coupé à l'eau depuis quelques mois quand on nous envoya avec d'autres unités du régiment hors d'Oran. Maël vint me voir au moment de quitter la ville.

'Tu as eu raison de prendre ombrage, me dit-il alors que nous passions les portes. Je n'ai pas eu un comportement adéquat avec Joséphine.

-Y a un truc que je comprends pas, annonçai-je.

-Oui?

-Tu t'comportes avec nous comme si t'étais d'notre milieu, mais quand c'est une fille, c'est l'contraire.

-Je m'entends très bien avec Joséphine. Il s'agit juste de...

-Oui, mais t'aurais dû voir ton air de p'tit noble quand tu l'as dit! Je te reconnaissais pas!

-Donatien, je tiens énormément à Joséphine. C'est une amie très chère à mon coeur. Mais je suis tombé amoureux d'une autre femme. Tu sais ce que cela fait, tout de même! Tu as Louise!

-Oui, mais Louise, elle a essayé de toutes ses forces de m'empêcher d'partir.'

Il soupira, l'oeil triste.

'Je le sais. Louise est un bijou.

-Ah oui, mais c'est mon bijou à moi.

-Le mien a besoin d'être gagné, comprends-tu?

-On est pas dans un conte, Maël. Tu peux vraiment te faire tuer pour juste l'idée qu'elle pense à accepter de s'fiancer avec toi?

-Je n'envisageais pas de me faire tuer avant d'arriver à Sidi-Ferruch.

-Ouais, comme tout l'monde, tu m'diras. Mais bon, t'aurais pu éviter la petite fille à papa pourrie gâtée.

Mémoires du Siècle Dernier, tome 2 : Le journalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant