*Chapitre 37*

84 8 2
                                    

Je continuais d'avancer tranquillement sans faire le moindre bruit. Pour avoir passé plusieurs fois devant sans jamais y avoir fait vraiment attention, je savais que la porte menant aux cachots devrait bientôt apparaître dans mon champ de vision. Il ne me restait qu'à tourner encore un coin de mur et faire quelques pas que mon objectif serait bientôt atteint. Cependant, je ne pouvais négliger aucun détail... Comme la présence de deux gardes qui devaient normalement se trouver de chaque côté de la porte pour la garder, et également celle du gardien des cellules...

Je m'insultais mentalement. Comme avais-je pus oublier, même qu'une minuscule seconde, la présence de ces hommes qui m'empêcheraient très certainement de passer et qui iraient ensuite se faire un plaisir de raconter à mon père que sa fille aimait faire des balades nocturnes dans le sous-sol du manoir. Mes chances de réussite me parurent alors quasi nulles, mais je me repris rapidement. Je me devais d'être forte et courageuse, même si cette dernière qualité semblait me faire défaut depuis quelque temps. 

Je recommençai à marcher pour ensuite arriver au coin du mur d'où je laissai uniquement dépasser ma tête afin d'apercevoir la fameuse porte. Porte qui n'était pas surveillée... Mes yeux s'écarquillèrent de surprise. L'entrée vers les cachots était toujours sous surveillance, encore plus lorsqu'il y avait des prisonniers juste sous nos pieds. 

Je ne pris pas d'autres secondes de plus pour réfléchir du pourquoi et du comment et je m'élançai vers la porte. Il était certes étrange qu'aucun des gardes de soient à son poste, mais je devais plutôt profiter de cette situation particulière au lieu de m'interroger à son sujet. J'attrapai la poignée que je tournai, fis un pas en avant et me retournai rapidement pour fermer doucement la porte derrière moi. Première étape réussit. Je retrouvai un peu d'espoir, mais ne criai pas victoire pour autant. Je devais encore faire plusieurs choses avant de pouvoir enfin souffler de soulagement.

Je pris quelques secondes pour ralentir ma respiration qui s'était légèrement accélérée lors de ma mini-course en direction de la porte. Je me permis également de prendre le temps de souhaiter que le vieux garde qui garde habituellement les cellules soit endormi sur sa chaise en bois. 

Je respirai lentement et descendis deux marches de l'escalier de bois qui allait bientôt me guider dans la noirceur cruelle du sous-sol du manoir. Une respiration supplémentaire, puis je me penchai un peu par en avant, juste assez pour voir la chaise inoccupée du gardien des lieux éclairée par une minuscule chandelle et juste assez pour que je ne tombe pas tête la première dans l'escalier où je me serais inévitablement casser un membre une fois rendu à la fin de celui-ci.

Une autre inspiration et je me retrouvai au bas des marches. Je me tournai vers la gauche, à droite se trouvant un mur de pierre, et me retrouvai en face d'un long couloir plongé dans l'obscurité. J'étais en mesure de distinguer, grâce à la faible lueur que produisait la chandelle, des barreaux de fer couvrant les murs droits et gauches du couloir qui me semblait sans fin. 

Avant de me mettre à la rechercher de mes amis, je me dirigeai vers l'endroit qui avait été aménagé pour le gardien. Autrement dit la fameuse chaise de bois ainsi qu'une table fait du même matériau sur laquelle se trouvait le seul éclairage de la pièce. Accroché au mur en face de la table, je trouvai une lanterne ainsi que des clefs... Les clefs permettant d'ouvrir les cellules. À l'aide de la chandelle, j'allumai les copeaux de bois se trouvant au fond de la lanterne et aussitôt, je pus voir en détail ce qui m'entourait grâce à l'éclairage meilleur que me donnait la lanterne.

Ainsi voici donc la fameuse prison de mon père. Endroit aussi insalubre que n'importe quelle prison qui avait été décrite dans les nombreux livres que j'avais lus. Comme quoi la saleté était chose courante dans ces endroits qui servaient généralement à accueillir les pires racailles de notre monde. Mes amis étant une exception bien sûr. Je savais, pour avoir entendu des cris de douleur lorsque j'étais jeune, qu'il arrivait parfois que mon père fasse torturer les criminelles qui gisaient dans nos cachots pour leur apprendre à respecter la loi. Je courrais alors me réfugier dans les bras de ma mère qui me caressait la tête et qui me disait de faire abstraction des cris de douleur que je pouvais quelques fois entendre. Plus facile à dire qu'à faire croyez-moi.

À cet instant, j'espérais uniquement que mon paternel n'avait pas décidé de faire subir le même sort à mes amis. Située deux étages au-dessus et enfermée dans ma chambre, il m'aurait tout simplement été impossible d'entendre leur gémissement de douleur. Remarque, je crois que c'est mieux ainsi. Les entendre souffrir m'aurait été insupportable. Maintenant, la seule façon de savoir si du mal leur a été fait est de m'approcher des cellules et espérer les retrouver en bon état. Après tout, comme on dit : l'espoir fait vivre. Non?

Je levai mon bras droit, celui tenant la lanterne, au-dessus de ma tête afin que la lumière de celle-ci éclaire mon chemin, tenais dans ma main gauche les clefs nécessaires pour ouvrir les grilles des cellules et portant sur mon dos le sac contenant les objets médicaux que j'avais chapardés dans l'infirmerie. 

Je me plaçai devant le couloir rempli de cellules et fis quelques pas en avant. Trop rapidement à mon goût, je dépassai les premiers barreaux de fer et me retrouvai ensuite devant la porte de la première cellule, celle se trouvant sur le mur de gauche. Un coup d'œil à droite me permis de remarquer que la plupart des cellules se trouvant à droite étaient inoccupées. 

Je n'avais pas encore regardé dans les cellules de gauches, redoutant ce que je pourrais voir. Je savais que la vue de mes amis blessés me serait très dure à supporter. C'est donc pour cela que je décidai de fermer mes yeux, refusant d'affronter la réalité. J'orientai mon corps vers la gauche et je savais que les occupants de la cellule pouvaient maintenant voir mon visage au complet et non plus de profil. Autrement dit, ils avaient pu deviner qui se tenait maintenant juste en avant de cellule.

Comment réagissaient-ils? Étaient-ils plutôt soulagés de voir un visage familier dans cette noirceur étouffante ou étaient-ils en colère à cause de mon mensonge? Je soupirai. La seule façon de savoir était d'ouvrir les yeux et d'affronter la vérité. Je soulevai lentement mes paupières avant d'écarter subitement les yeux.

Ma main gauche que tenait toujours les clefs se plaqua brusquement sur ma bouche et des larmes commencèrent ensuite à dévaler mes joues. J'étais sous le choc. Voilà c'est ça, j'étais profondément choquée de la vision qui s'offrait à moi. Et au travers de mes sanglots, je parviens à entendre sa voix si douce et habituellement si enjouée murmurer :

-Lucy... Je suis vraiment contente de te voir...

Et à ces paroles, mes larmes redoublèrent d'ardeur.

Fille de noblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant