La magie des plantes

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Par un bel après-midi d'été, je végétai paisiblement dans mes appartements me demandant ce que j'allai bien pouvoir faire de ma journée, lorsque soudain la porte s'ouvrit avec fracas. Un Thranduil hystérique pénétra dans la pièce en hurlant que c'était l'heure de la leçon. Surpris que l'heure ai tourné si vite, je levais la tête, le regardant gesticuler d'un œil un peu las. Je ne comprenais pas d'où il parvenait à tirer cette énergie inépuisable. C'était sans doute son jeune âge. Quoique je ne me rappelais pas avoir été aussi remuant quand j'avais vingt-cinq printemps. Mettons plutôt cela sur le compte des gènes issus de sa glorieuse ascendance paternelle.

Les yeux brillants, Thranduil se précipita vers moi et me demanda une énième fois ce qu'avait bien voulu dire le mot « magie » que j'avais ajouté à sa liste de matières.

Sur le moment, je maudis - une énième fois - l'impulsion soudaine qui m'avait fait écrire ce fameux mot en bas de cette fichue liste. Mais comme on le dit souvent, ce qui est fait est fait. Et je lui devais bien cela. Cela faisait plusieurs semaines déjà que nous avions commencé nos leçons quotidiennes. Une entente semblait s'être conclue entre nous, et jusque là, tous les cours s'étaient bien déroulés. Mais, chaque jour, au moins une fois revenait cette question, avec une régularité opiniâtre qui me désespérait : qu'est-ce que c'était, la magie ?

J'entrepris donc de le lui expliquer. Enfin, c'est ce que je me résolus de faire. Ou du moins de tenter. Car Thranduil était dans un tel état de surexcitation qu'il se mit à courir de partout, menaçant la vie de mes chères plantes vertes disposées aux murs et sur les guéridons. Je frémis plus d'une fois pour le rosier, le lebethron, le mallorn, les plants de niphredil et de seregon, mais me résolus à ne pas intervenir, attendant que mon élève se calme de lui-même, ou ne tombe d'épuisement.

Je restais donc patiemment assis, à le regarder gesticuler comme un chien fou, sans montrer le moindre signe d'impatience, mais en me désespérant intérieurement. Par Eru, ces semaines passées durant lesquelles je m'étais employé à lui inculquer un semblant de savoir-vivre n'avaient apparemment servies à rien. Autant demander aux fils de Fëanor de cesser leur chasse aux Silmarils. C'était impossible.

Enfin, après ce qui me parut des heures, Thranduil gagna la chaise qui lui était attribuée, s'y perchant avant de me regarder avec de grands yeux d'enfant sage, comme pour me signifier qu'il était prêt à m'écouter.

Je pus donc commencer mon explication. Alors, la magie... Par où commencer ? Je tentais de parler avec des mots simples pour qu'il comprenne bien ; mais il y avait tant à dire ! La magie était une notion difficile à décrire. Elle était présente chez tous les elfes, à des degrés différent ; parfois trop faible pour s'éveiller, ou parfois très puissante. Il en existait différentes branches et de multiples usages. Celle que je voulais lui apprendre était celle qui me caractérisait, et qui, d'après mes théories, était aussi présente chez mon neveu, endormie, comme une braise prête à s'enflammer. En quelques mots, cette magie reposait sur la sérénité de l'âme et du corps, et son pilier était la maîtrise des émotions parasites.

Tout le contraire de l'état d'esprit de Thranduil en ce moment même.

En effet, bien qu'il m'aie harcelé pour enfin savoir, ce dernier ne semblait guère attentif. Ses yeux étaient fixés sur les lueurs mouvantes au mur, les seuls repères que nous avions pour deviner l'heure.

Aussi, je cessais simplement de parler, persuadé qu'il ne s'en rendait même pas compte.

Il ne le remarqua en effet pas tout de suite. Puis, quand il s'aperçut soudainement que mon discours avait prit fin, il tourna la tête vers moi en cillant de ses grands yeux innocents. Voyant ma mine réprobatrice, il s'excusa et promit de m'écouter. Je repris donc. J'ignore s'il m'écouta davantage, il fit en revanche un peu mieux semblant.

Les tribulations d'une plante verte - livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant