Ils étaient là.
Les portes de Menegroth s'ouvrirent pour leur laisser le passage.
Tous les dignitaires étaient rassemblés autour du trône, raides et tendus comme des cordes d'arcs. Sous les habits d'apparat, la plupart dissimulaient des cottes de maille ; l'éclat des épées se dissimulait sous les plis des manteaux. Nous redoutions tous le pire, et nous nous y étions préparés.
Et les six fils de Fëanor s'avançaient ensemble jusqu'au trône où Dior était assis avec une majesté pincée.
Maedhros allait en tête. Son épée battait sa jambe vêtue de fer dans un tintement clair, et en arrivant au pied des marches, il ôta son casque au panache rouge, dévoilant son visage qu'on disait autrefois si beau. Sa peau blême, sillonnée de cicatrices nacrées qui avaient rendus ses traits durs et anguleux, tranchait avec le feu de ses cheveux coupés sous la nuque. Son bras droit amputé était replié contre son flanc, soutenant son casque ; sa main gauche était levée vers le Roi Sindar, paume présentée, ouverte, en un geste de paix. Son attitude n'était ni belliqueuse ni arrogante, et il s'inclina légèrement en prenant la parole :
— Dior Eluchil, fils de Beren Erchamion et de Lúthien, fille d'Elu Thingol, Roi de Doriath, moi, Maedhros fils de Fëanor, vous conjure de nous rendre le Silmaril que vous détenez.
Un murmure stupéfait survola l'assemblée et le regard de Dior s'assombrit, comme un ciel chargé de nuages grondants.
— Vous me conjurez, Fëanorion ? répéta-t-il d'une voix parfaitement maîtrisée malgré la rage qui brûlait dans ses yeux. Voilà le dernier mot que j'aurais cru entendre de votre bouche. Ne serait-ce donc pas une fourbe ruse destinée à me prendre en traître ?
— Certes pas, seigneur, répondit Maedhros d'une voix claire. C'est en toute honnêteté que je viens réclamer ce qui est mien.
Dior plongea son regard dans celui du premier fils de Fëanor.
— Ce qui est vôtre ? répéta-t-il encore avec un amusement mauvais. Et vous pensez réellement ce que vous dites ? Ah ! Je ne m'imaginais pas que vous puissiez être si naïf, ou bien si insolent.
Maedhros cilla et son corps se raidit. Pourtant, ce fut avec autant de constance qu'il poursuivit :
— Je souhaite régler ce différend et rétablir la paix entre nos peuples sans effusion de sang, car il a déjà bien trop coulé parmi les miens comme les vôtres.
Alors Dior se mit à rire, d'un rire sans humour qui convulsa ses lèvres en un rictus :
— Il n'y a pas de différend à régler, Fëanorion. Vous n'avez rien à marchander, et je n'ai pas de comptes à vous rendre. Quant à votre paix que vous prêchez, peut-être aurait-il été plus judicieux de ne jamais la briser ; ainsi il n'y aurait rien eu à rétablir.
Un nouveau rire secoua ses épaules, et ses yeux ne furent plus que deux fentes où filtrait une étincelle sombre. Sa voix s'emporta comme le grondement d'un orage :
— Croyez-vous que facile puisse être la paix entre nous ? Croyez-vous qu'il suffise de quelques excuses au vent et d'un faux visage d'amendement pour que l'on vous pardonne ? Mais l'on ne peut oublier ce que vous avez fait !
Puis il se pencha légèrement en avant, comme s'il souhaitait faire une confidence au premier fils de Fëanor. Quand il reprit la parole, sa voix était basse et pourtant audible de tous :
— Combien de morts ? Combien de larmes versées ? Combien de vies perdues ? Combien de cadavres avez-vous laissé derrière vous, dans le chemin qui vous a mené jusqu'à moi ? Combien encore, si je m'abaisse à prêter oreille à vos mots mensongers qui nous conduirons tous à la ruine ?

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Les tribulations d'une plante verte - livre 1
FanficPersonne ne le voit, mais lui il a tout vu. Voici l'histoire, longue, belle (et humoristique ?) d'un elfe né à l'aube du temps, qui connut la Terre du Milieu jusqu'à ce que les chants des Eldar ne s'éteignent à l'horizon de la mer. Il confia ses so...