D'argent et d'émeraude

121 18 21
                                    

— Celeborn, tu trembles comme une feuille...

Oropher faisait de son mieux pour m'aider à ajuster mes vêtements d'apparat. Il avait remis dans le bon sens la chemise que j'avais mise à l'envers, et m'avait gentiment fait remarquer que j'essayais depuis un quart d'heure d'enfiler la botte gauche à mon pied droit.

— Calmes-toi, mellon nin, murmura-t-il en prenant mes mains dans les siennes, me forçant à le regarder dans les yeux.

Je calquais ma respiration sur la sienne, fixant son visage résolu où fleurissait un sourire. Le ventre noué d'une angoisse indescriptible, je tentais d'y répondre.

— Ça va bien se passer, reprit Oropher d'une voix calme, rassurante.

J'hochais la tête en essayant de toutes mes forces d'y croire.

— Mais si je me rends ridicule ? murmurai-je d'une voix étranglée par ma gorge sèche. Si je ne fais pas les choses comme il faut ? Si au dernier moment, elle refuse ?

— Tu es idiot, me répondit mon ami. Elle t'a donné sa parole et sa main. Elle ne reviendra pas sur sa décision, laique, car elle t'aime...

Ces mots faillirent m'amuser.

— C'est toi qui dis ça ?

Il sourit simplement, avant de me lâcher et d'empoigner une brosse à cheveux abandonnée sur le guéridon.

— Je vais te recoiffer convenablement, tu ne peux pas te présenter devant elle hérissé comme un porc-épic, lança-t-il avec un enjouement presque contagieux.

— Je ne savais pas que tu étais qualifié à ce genre de tâches, articulai-je avec un détachement feint en prenant place dans un fauteuil, les mains crispées sur les accoudoirs.

— Il le faut bien, tu sais comme Ravennë est coquette, répondit-il en se plaçant derrière moi, commençant à me coiffer avec une douceur surprenante. Elle me demande toujours de l'aider. Au fil des siècles, j'ai fini par prendre le coup de main.

Nous restâmes un instant silencieux alors qu'il passait sa brosse dans ma chevelure, en défaisant les nœuds. Les mâchoires serrées, je fixais un point invisible devant moi, y focalisant les bribes éparses de ma concentration. Je sentais, contre mon poing serré, le contact de l'anneau d'argent.

La coutume avait voulu que nous respections l'année de fiançailles réglementaire ; ces douze mois arrivaient à leur terme, et le printemps était de retour.

Et aujourd'hui était le jour à Galadriel et moi allions nous unir, devant notre peuple et devant les Valar.

Je frémis quand je sentis les mains d'Oropher sur mon front, et quelque chose de froid comme du métal contre ma peau. Quand je levais les yeux vers le miroir mural face à moi, j'eus la surprise de voir mon front ceint d'un fin diadème d'argent orné d'émeraudes, comme une myriade de perles courant sur les torsades de mithril.

— Je n'ai jamais vu ce diadème, m'étonnai-je.

— Mablung a accepté de le forger à ma demande, expliqua mon ami avec un sourire vaguement gêné. Tu sais bien que je ne suis pas un orfèvre très habile...

J'étouffais un rire nerveux.

— Mais pourquoi me l'offres-tu ? Crois-tu que ce soit approprié ?

— Tu es un prince de la maison royale, Celeborn. Je crois que tu mérites aujourd'hui d'être paré comme tel.

Je contemplais pensivement notre reflet. Accoudé au fauteuil, ses mains tenant la brosse à cheveux au-dessus de ma tête comme une masse qu'il menaçait d'y abattre, il nous adressait un sourire à la fois taquin et empli d'émotion. Un peu de mon appréhension me quitta. Oropher était pour moi un frère, un aîné sur qui je pouvais m'appuyer. Certes, nous n'avions pas toujours été en accord – il était d'ailleurs bien rare que nos points de vue concordent. Mais il avait été là pour moi quand j'avais eu besoin de son soutien.

Les tribulations d'une plante verte - livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant