Je fuyais. A travers la sombre forêt aux arbres dénudés par l'hiver glacé, je fuyais la cité ravagée de Menegroth. J'étais accompagné par Galadriel, la jeune Elwing, quelques dignitaires et des Doriathrim, ainsi qu'une poignée de soldats dont certains avaient appartenu à la garde rapprochée du roi Dior.
Nous étions des fugitifs ayant réchappé au massacre qu'avait perpétré les fils de Fëanor, le deuxième massacre fratricide de l'histoire d'Arda et que j'espérai être le dernier. Une fois de plus, trop nombreux avaient été ceux à laisser leur vie dans la bataille qui avait fait rage dans les cavernes. Tout s'était passé si vite... et je n'avais rien pu faire.
Je n'avais pas résisté à la tentation de me retourner, juste une fois, avant que les entrelacs des branches nues n'avalent les grandes portes sculptées dans la pierre. De la fumée s'échappait des battants éventrés. Menegroth avait été ma maison pendant des centaines d'années ; je n'avais rien connu d'autre, tout comme ceux qui fuyaient à mes côtés aujourd'hui ; ce dernier regard m'avait fait comprendre que ce n'était plus ma maison désormais, que c'était un adieu que je faisais à mon berceau de toujours ; et tous mes souvenirs d'enfances avaient brûlé avec l'incendie qui avait ravagé Menegroth. Il ne devait maintenant rester que des vestiges qui seront peut-être un jour redécouverts.
A cette pensée, l'image des mes chères plantes s'imposa à mon esprit. Des larmes emplirent mes yeux, et je les mis sur le compte du vent glacial. Mes malheureuses amies avaient dû mourir dans l'incendie. Elles qui étaient si fragiles, elles n'avaient pas mérité de mourir ainsi brûlées, seules, au milieu des cavernes. Je me sentais coupable rien qu'à les imaginer agonisantes dans l'air chargé de fumée et de poussière. Mais le pire n'était pas là... La bibliothèque avait très probablement été réduite à l'état de cendres. J'imaginais les étagères et les livres s'enflammer et les flammes se répandre comme une traînée de poudre. Un craquement semblable à une étagère calcinée se brisant sous le poids de volumes anciens léchés par le feu attira mon attention et je me retournais vivement prêt à rattraper les manuscrits, mais la seule chose que j'attrapais fut la jeune Elwing qui avait trébuché sur une racine qui s'était arrachée sous le coup.
Un peu désorienté, je l'aidai à se relever et la motivai à poursuivre sa marche. En reprenant la route, elle me remerciai et continuai à marcher.
En la regardant s'éloigner en trottinant devant moi, mon regard s'attarda le Silmaril niché dans sa main. Elle n'était qu'une frêle enfant, et la responsabilité qui lui incombait avec cette tâche était bien trop lourde à porter de mon point de vue. De plus, personne ne se faisait d'illusions... Les fëanorion n'abandonneront pas leur dessein et poursuivront l'enfant, jusqu'à la mer s'il le faut. Elle était encore trop jeune, trop innocente et ignorante du monde. Elle ne méritait pas d'être ainsi poursuivie... En un sens, elle me rappelais mon élève et neveu, Thranduil, dont elle devait avoir l'âge.
Cette pensée me prit la gorge pendant que mes souvenirs du jeune garçon remontaient à ma mémoire. Tout était ancré en moi, le jour de sa naissance, notre premier cours qui avait été un désastre, nos entraînements, et notre secret... Celui que je lui avait partagé sans vraiment en connaître les répercussions. Une larme roula sur ma joue et je l'essuyais vivement avant que quiconque ne le remarque. Où était-il à présent ? Était-il parmi les cadavres qui jonchaient le sol des cavernes ou avait-il réussi à s'enfuir ? Et Oropher ? Étaient-ils seulement en vie ?
S'ils avaient perdu la vie entre les murs de Menegroth, jamais je ne pourrais me le pardonner. Ils étaient les êtres les plus chéris de mon cœur, et les perdre laisserait un vide abyssal que rien ne comblerait jamais... Après la mort de Thingol, d'Elmo, puis de Galathil, mon frère, je me retrouvais seul et abandonné, sans plus personne...
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Les tribulations d'une plante verte - livre 1
FanfictionPersonne ne le voit, mais lui il a tout vu. Voici l'histoire, longue, belle (et humoristique ?) d'un elfe né à l'aube du temps, qui connut la Terre du Milieu jusqu'à ce que les chants des Eldar ne s'éteignent à l'horizon de la mer. Il confia ses so...