Un nouveau roi pour Menegroth

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Voilà plusieurs mois maintenant que les Nains avaient attaqué Menegroth et massacré un grand nombre des nôtres. Les Milles-Cavernes se remettaient difficilement de ce combat dont nous n'avions été ni perdants ni vainqueurs. Certes, le Silmaril était toujours entre nos mains. Mais pouvait-on réellement considérer comme une victoire une bataille un trop grand nombre de personnes avaient perdu la vie ? Nous avions tous perdu des êtres qui nous étaient chers. Mon grand-père Elmo, dont la disparition avait été pour moi brutale et difficile, bien que notre relation n'aie jamais été faite d'autre chose que d'indifférence. Mablung, qui avait combattu à mes côtés, qui était tombé pour sauver notre honneur, et que je considérais comme l'unique à qui revenait le mérite de notre victoire. Et enfin, et surtout, Ravennë.

A chaque fois que Galadriel ou moi évoquions, même de loin, sa mémoire, je revoyais Ravennë s'interposer entre le Nain et son fils, recevoir le coup à sa place, et mourir dans mes bras en souriant. Et ce souvenir me hantait jour après jour, nuit après nuit, sans répit. J'avais tenté de parler avec Oropher, de lui rapporter les paroles que Ravennë lui avait adressées dans son dernier souffle. Mais il était devenu comme une ombre qui glissait le long des murs en silence. Il ne se montrait guère, restant la plupart du temps dans ses appartements. Sa porte me restait obstinément close quand je tentais de l'approcher. La seule fois où j'avais pu le voir, j'avais hasardé une parole de consolation que j'aurais dû ravaler et étouffer dans ma gorge ; je me rappelais de son regard brûlant, de son cri de bête blessée quand il m'avait hurlé que je ne pouvait pas comprendre ce qu'il ressentait, et que la mort de sa femme était de mon fait.

Lorsque Galadriel m'avait vu revenir à nos appartements dans un état second, elle avait tout de suite compris ce qui s'était passé et s'était empressée de me convaincre que ce n'était pas ma faute et que je n'avais rien pu faire. Ravennë avait fait son choix et s'était sacrifiée pour que son fils vive. Elle acheva de me réconforter en me disant que rejeter la faute sur tout le monde devait être le moyen pour Oropher de vivre son deuil. Bien que cette idée ne me plaise pas, je comprenais que cela devait tout à fait être cela et décidai de laisser mon ami seul avec lui-même afin de lui laisser le temps de revenir à nous.

Je me plongeai alors dans mes livres cherchant à oublier les horreurs et les souvenirs qui ne cessaient de traverser ma mémoire. Je me concentrai notamment sur le livre que Galadriel avait tant voulu sauver lors de la mise à sac de Menegroth.

Il s'agissait d'un manuscrit écrit par une personne que je ne connaissais pas mais qui avait vécu en Doriath et qui avait raconté l'histoire de notre peuple depuis la création d'Arda, jusqu'au départ de la reine. Comprenant qu'il s'agissait de noter tous les faits historiques arrivés au cours de notre histoire, je pris à mon tour ma plume et sur les pages vierges du manuscrit, relatais le massacre de notre peuple par les Nains. Et malgré mon envie irrépressible d'y ajouter des notes personnelles, je me contentai d'une chronique des plus factuelles. je les complétai avec un aperçu de ce qui suivit, sans m'étendre sur le désespoir des survivants, mais rapportant les dégâts matériels subis par le palais.

Il commençait à se faire tard lorsque je posais enfin ma plume et contemplait les pages écritures que je venais de couvrir. Je n'avais pas hésité à donner des détails sur la géopolitique, la situation de Doriath, des cartes du Beleriand... afin de l'illustrer au mieux. Je n'étais certes pas très doué en dessin, mais je n'étais pas mécontent de mes croquis... Je refermais alors le manuscrit, qui comportait encore de multiples pages vierges, et partis me coucher.

Les jours et semaines qui suivirent se ressemblèrent tous sans que rien ne vienne les perturber.

Tous les matins, je me rendais à la salle d'armes et m'entraînais pendant de longues heures. J'avais besoin de me maintenir prêt au combat, et je n'étais pas le seul. Nous étions tous sur le pied de guerre, nous attendant à moitié à ce que les Nains reviennent nous donner le coup de grâce. Après l'entraînement, je rejoignais Galadriel pour partager le déjeuner, et je passais mes après-midi à lire dans la bibliothèque ou à m'occuper de mes plantes.

Les tribulations d'une plante verte - livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant