Lost Boys

ISAAC

C'était la rentrée. Dans le petit village d'Ornes, le monde se réveillait. Il faut que vous remettiez le contexte. Ornes c'est un peu comme une station de ski, en été, pendant les périodes scolaires. Le genre où il y a plus de vaches au kilomètre carré que d'habitants. A la différence près qu'ici, c'était beaucoup plus glauque. Ce petit village avait été détruit pendant la Première Guerre Mondiale et reconstruit quelques temps après. Je ne sais pas si vous voyez mais certains lieux dégagent une atmosphère disons... particulière. Eh ben, Ornes c'était l'exemple parfait. Mais bon, quand on était né ici, on était habitué. Malgré ça, les vacances à la plage pour nous, c'était une destination très exotique. Maintenant, je crois que vous comprenez un peu à quoi ressemblait mon lieu de naissance adoré.

Tout ça pour dire, le jour de la rentrée, la vie reprenait ici. Enfin, autant que possible dans une commune de presque deux mille habitants.

J'avais passé toutes mes vacances, cloitré dans ma chambre. Quand vous n'aviez que quelques amis qui étaient tous partis, c'était dur de faire quelque chose de votre vie.

Mes parents essayaient "d'économiser". Entre guillemets parce que ma mère avait passé un jour par semaine à faire du shopping et mon père s'était acheté une nouvelle montre pas plus tard qu'hier. Nous sommes ce que l'on peut appeler une famille assez aisée. Mon père dirige sa propre entreprise et ma mère est avocate. J'ai également un frère de dix-neuf ans, Axel. Ah, mon grand-frère... Je pourrais en parler pendant vingt minutes sans rien dire. On a toujours été en conflits, tous les deux. Je ne pourrais même pas dire comment ça a commencé. Nous n'avons tout simplement pas les mêmes opinions, les mêmes principes, les mêmes goûts. On est tellement différents que chaque fois qu'on essaye d'avoir une discussion, cela part en débat, suivi d'une dispute. Du coup, on s'évite autant qu'on peut. Et c'est bien mieux ainsi même si de temps en temps, je regrette qu'on ne soit pas plus proches.

Mais c'est la vie, comme on dit.

Du coup, j'étais assez ravi de reprendre les cours. Ok, pas vraiment, en fait. Mais, disons, qu'au bout d'un moment, on finit par se lasser de passer toutes ses journées sur YouTube ou sur la console.

Niveau sociabilité, je suis assez mal barré dans la vie.

J'ai quand même quelques amis, il ne faut pas croire. Sacha, Nathan, Evan, Antoine... Une bande de potes, sans plus. J'ai sûrement eu un meilleur ami quand j'avais cinq ans, comme tout enfant qui croit que dès qu'il adresse la parole à un gamin de son âge, c'est déjà son meilleur ami pour toute la vie.

Mais depuis, je n'ai jamais trouvé quelqu'un à qui je pourrais me confier réellement. J'aimerais beaucoup, en fait. Alors, j'attends. Je ne désespère pas. Pour tout vous dire, un peu quand même mais bon. On fait avec.

Par contre, côté cœur, alors là, ça fait longtemps que j'ai abandonné. Quand, à seize ans, vous n'êtes jamais sorti avec une fille, c'est étrange, non ? Enfin, surtout quand tous vos potes ont eu vingt-quatre copines depuis leur naissance.

J'ai l'air très misérable comme ça. Mais, en vrai, je suis quelqu'un d'assez optimiste et qui a toujours la joie de vivre.

Enfin, avouez que ma vie est plutôt merdique, non ? Evidemment, il y a pire, je ne peux pas me plaindre. Mais quand même...

Tout ça pour dire que c'était la rentrée et que je me trouvais sur le chemin du petit lycée général et technologique Alexandre Dumas.

J'avais retrouvé mes potes devant l'entrée. On s'était raconté un peu nos vacances (même si je n'avais pas grand-chose à dire de ce côté-là) et on était enfin rentré.

J'allais passer en première S. Et oui, je suis une tête, on ne croirait pas comme ça.

Sacha était en STD2A (petit Art Appliqué qu'il était), Nathan en L, Evan en ES et Antoine en STMG (on évite les clichés, merci). Autant dire que pour nous retrouver, ça allait être un peu la merde.

Mais on y arriverait, on était un groupe solide.

C'était sans compter l'arrivée imprévue d'une personne assez incroyable.