ISAAC

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J'étais tellement heureux que Matthieu aille bien. Et qu'il m'ait pardonné. Je m'étais rendu compte que ce que j'avais fait était profondément stupide et qu'il n'avait mené à rien. Je ne pouvais pas perdre Matthieu même si notre séparation serait inévitable. Je gardais espoir de maintenir le contact avec lui même si je serais obligé de repartir.

Après qu'il ait passé un jour à l'hôpital, nous avions donc décidé de retourner chez nous. Mon copain n'était pas encore au top mais il devrait tenir le coup. J'avais acheté deux tickets de bus avec l'argent qu'il me restait et nous venions de démarrer.

-Tu crois qu'on prend la bonne décision ? lui ai-je demandé.

Il avait sa tête posée sur mon épaule et j'étais sûr qu'il n'allait pas tarder à s'endormir.

-Je crois qu'on prend la seule décision possible.

J'ai acquiescé. Quant à moi, je ne savais pas encore ce que j'allais faire. Je ne pouvais pas retourner chez mes parents. Axel serait là et c'était hors de question que je sois forcé de lui obéir une nouvelle fois. J'en avais assez d'avoir peur de lui mais je savais aussi que je ne faisais pas le poids. Il était beaucoup plus fort que moi et il pouvait me tuer en quelques coups. Je doutais qu'il soit capable d'une telle finalité mais il pouvait, sans aucun doute, me faire souffrir. Et puis, si jamais mes parents savaient que j'étais amoureux d'un garçon, ils me tueraient probablement. Pas eux-mêmes, non, ils engageraient quelqu'un pour le faire à leur place. J'avais peur pour Matthieu, aussi. Ils pouvaient lui faire du chantage, le blesser même. Il n'était pas seulement question de moi, dans cette histoire.

Je finis par m'endormir moi aussi, remettant mes interrogations à plus tard.

Nous étions enfin arrivés chez nous, quelques heures plus tard. Comme si rien n'avait changé.

-On va chez moi ? A proposé Matthieu.

-Je t'ai promis que je te raccompagnais. Je tiens mes promesses.

Après quelques minutes, nous étions devant l'appartement de mon ami.

-T'es prêt ?

-C'est toi qui vas devoir affronter la colère de ton père, pas moi.

Il a poussé un profond soupir et a sonné à la porte. C'est Charlie qui a ouvert et elle s'est immédiatement précipitée au cou de son frère.

-Quel abruti ! Tu m'as tellement manqué, on a eu si peur !

Elle m'a ensuite jeté un coup d'oeil en me souriant, l'air profondément soulagé.

-Je suis désolé, a dit Matthieu. Je ne voulais pas vous inquiéter.

Nous sommes rentrés et Charlie a appelé son père. Quand ce dernier a vu son fils, j'ai ressenti toute la tension accumulée depuis notre départ s'évanouir en un instant. Un poids venait d'être retiré de ses épaules et j'avais vraiment l'impression de le voir.

-Matthieu...

Il l'a enlacé et a fait de même avec moi ensuite.

-Les garçons... Pourquoi avoir fait une telle connerie ? Et qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ?

Ah oui, les contusions de Matthieu étaient encore bien présentes et je supposais qu'il avait toujours mal aux côtes.

-Je suis tombé, rien de grave.

Le père de Matthieu a haussé les sourcils mais n'a pas posé de questions supplémentaires sur ce sujet.

-Vous savez la peur que vous nous avez faite ? S'est-il exclamé en commençant à hausser la voix.

-Je suis vraiment désolé...

-Non, tu ne peux pas savoir. Un mot, Matthieu ? C'est tout ? Tu aurais pu m'envoyer des messages, me tenir au courant ! Mais non, tu as été tellement égoïste. J'espère que vous vous êtes bien amusés parce que ça ne risque pas de se reproduire de sitôt.

-Je...

-J'ai tout fait pour toi. On a déménagé, Charlie a dû s'adapter, une nouvelle fois. J'ai vraiment cru que ça allait mieux, que tu avais abandonné les bêtises. Ah, je n'étais pas prêt pour ça. Je crois que je ne peux plus rien faire pour toi. Je ne sais même pas si j'ai envie que tu restes à la maison.

Ça avait fait un coup à Matthieu. Je me suis senti de trop dans cette discussion. Je ne faisais pas parti de sa famille, après tout.

-Et toi, a repris le père de Matt en se tournant vers moi, je ne sais pas lequel de vous deux a entraîné l'autre mais vous n'avez certainement pas une bonne influence. Aucun des deux. Si je vous revoie ensemble, vous allez m'entendre, je vous préviens. J'ai parlé à tes parents et apparemment, tu te comportes très mal chez toi. J'ai entendu dire que tu vas aller dans un pensionnat. Ça ne peut pas faire de mal à Matthieu non plus.

Comment lui expliquer ? Apparemment, son avis était déjà fait sur moi et mes parents savaient très bien comment tourner la conversation à leur avantage.

-Ce n'est pas sa faute, a essayé de dire Matthieu. Et tu ne peux pas m'interdire de le voir.

-Ah oui, tu crois ça ?

Je commençais à avoir un peu peur. Si le père de Matthieu m'obligeait à retourner chez mes parents, je risquais de ne plus jamais avoir l'occasion de m'enfuir.

-Je crois que je devrais vous laisser, suis-je intervenu d'une petite voix.

-Oh, non, tu restes ici. J'appelle tes parents, ils vont venir te chercher.

J'ai regardé Matthieu, l'angoisse maintenant bien présente.

-Papa ! S'il te plaît, tu ne peux pas lui faire ça. Je t'en supplie.

-Arrête. C'est leur fils, il doit rentrer chez lui.

-Tu ne comprends pas ! Ecoute-moi !

Mais son père avait déjà composé le numéro. C'était ma dernière chance.

-Je suis désolé, Matt, ai-je murmuré.

Et je me suis élancé vers la porte. Je n'ai pas regardé en arrière. J'ai juste couru jusqu'à ce que je n'en puisse plus.

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