ISAAC

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Quand j'avais entendu la voix de Matthieu, j'avais eu réellement peur qu'il soit arrivé quelque chose de grave. Je m'étais précipité en dehors de chez moi pour le rejoindre.

Arrivé là-bas, je le vis assis sur un banc. Je devinais qu'il avait pleuré.

-Matt... Comment tu vas ?

-Mieux. Désolé.

-De quoi ? Tu as le droit de pleurer, tu sais.

-Ouais mais bon... On se connait pas vraiment...

-Ça, je m'en fous. Tu pleures devant moi quand tu veux, y a aucun problème. Ok ?

Il m'a souri.

-Merci d'être venu.

-Tu veux me raconter ? lui ai-je demandé.

-C'est compliqué... Une histoire de famille...

-Ah, ça, c'est toujours compliqué. Comme on dit, on choisit pas sa famille. J'ai un frère, tu sais. Mais on se parle jamais. On se déteste. Enfin, détester est un grand mot. On se supporte, tu vois. Alors, niveau conflit, je connais. Nos parents sont agacés par notre attitude mais c'est difficile de faire semblant.

-A ce point ?

J'ai hoché la tête.

-Je t'assure. Il me pourrit la vie.

Matthieu a soupiré.

-Mes problèmes paraissent assez insignifiants à côté des tiens.

-Aucun problème n'est insignifiant. Il faut être égoïste dans la vie.

Il m'a regardé, surpris.

-Je n'aurais jamais imaginé que tu puisses sortir des phrases comme ça.

-Comme quoi, la vie est surprenante n'est-ce pas ?

Il a acquiescé, pensif. J'ai continué :

-On se fait souvent des idées sur les gens. On les met dans des cases, on les juge, on pense pour eux. Mais la vérité c'est qu'on sait rien d'eux. On a beau les voir tous les jours, on les connaitra jamais vraiment.

-T'as totalement raison, en fait.

-J'essaye de pas le faire. De plus le faire. Mais je t'avoue que j'ai eu du mal avec toi.

-Pourquoi ça ?

-Je sais pas. Je crois que j'essayais de trouver une excuse pour pas te connaitre plus.

-Pourquoi est-ce que tu ferais ça ? Je veux dire, je t'ai jamais rien fait, on est d'accord ?

-Non, t'as même été super sympa. Je voulais sûrement pas trop m'attacher. C'est débile mais j'ai souvent peur d'être seul. Ça me rend malade d'imaginer qu'on puisse, à force, arrêter de se parler, mes potes et moi. Et c'est généralement ce qui se passe. Personnellement, je ne connais pas beaucoup d'amitiés qui ont survécu aux classes séparées.

-Je pense qu'il suffit de le vouloir des deux côtés. C'est sûr que quand t'es petit, t'as pas forcément les moyens de voir souvent tes amis en-dehors de l'école. Mais à notre âge, franchement, on peut facilement le faire, tu sais. Vous avez l'air d'une bande solide, je suis sûr que vous allez vous en sortir.

Je lui ai souri.

-C'était pas censé être moi qui devait te réconforter ? En tout cas, merci de dire ça. Et puis, comme il faut toujours avoir des amis dans sa classe, merci d'être là.

-Ça veut dire que tu m'autorises à m'asseoir à côté de toi en cours et à parler ?

-Faut pas abuser non plus.

Lost BoysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant