Lost Boys

MATTHIEU

Après la longue discussion que nous avons eue, nous avons pris le bus pour rentrer. Je crois que je ne réalisais pas encore tout ce qu'il s'était passé. Tout se mélangeait dans ma tête. Mais je crois bien que j'étais heureux. Je crois bien que j'avais des sentiments pour Isaac, c'était évident en fait. Mais ça impliquait aussi beaucoup d'autres choses. Et je n'avais pas envie d'y penser pour le moment.

-C'était vraiment une super journée, ai-je murmuré.

-Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ?

-On est vraiment obligé d'en parler, là ?

-Au moins, on est tranquille ici. Personne risque d'entendre.

J'ai acquiescé.

-Je sais pas du tout, Isaac.

-Je pourrais jamais le dire à mes parents. Ni à mon frère.

-Attends, on s'est juste embrassés, hein. Va pas trop vite.

-Même si je n'aime que les garçons. Même si je suis vraiment gay. Ça peut pas se savoir, tu peux rien dire.

-Tu crois vraiment que j'allais le crier sur tous les toits ?

-Désolé. C'est juste que... j'aurais pas dû faire ça.

-Dois-je te rappeler que c'est moi qui t'ai embrassé ?

-C'est moi qui t'ai révélé mes sentiments.

-Eh bien, moi je regrette pas du tout que tu l'aies fait. Je m'en fous complètement que notre relation, si on en a une, doit rester secrète. Tout ce qui m'importes c'est toi, Isaac. Rien d'autre. Je m'en fous des autres.

-Oui mais pas moi. Et ça pourra jamais marcher. T'en auras marre au bout d'un moment. Mais si je le dis à mes parents, ils vont me tuer. Vraiment.

-Isaac, écoute-moi. J'arrête pas de repenser à ce que t'as dit. Je ressens la même chose, je le sais depuis le début sans me l'avouer. Je peux pas rester ton ami, pas après ce baiser.

-Tu veux vraiment essayer ? Tu es sûr ?

-Absolument. Et je regretterais rien, ça, je peux te le promettre.

-T'es vraiment génial, a-t-il fait en soupirant de soulagement.

-Je sais.

Après ce long trajet à parler de tout et de rien, nous sommes rentrés chez moi.

-Tu sais, tu devrais avertir tes parents que tu dors chez moi, lui ai-je conseillé.

-Je peux pas. Ils viendront me chercher.

-Il faudra bien que tu sortes, à un moment. Les cours reprennent demain, tu vas pas sécher.

-Et pourquoi pas ? De toute façon, l'année prochaine je serais parti.

J'eus un coup au cœur en entendant ses paroles. J'avais presque oublié qu'il allait dans un pensionnat l'année prochaine. Quand il vit mon regard, il se reprit.

-Pardon. Je voulais pas dire ça comme ça.

-Mais c'est la vérité, n'est-ce pas. Tu vas partir et je vais me retrouver comme un con. Comme d'habitude.

Il me fixa pendant de longues secondes.

-Je suis désolé, Matthieu.

-Faut qu'on arrête d'y penser. S'il te plaît. Je veux plus en parler.

Il hocha la tête, un air triste sur son visage.

-C'est juste que... a-t-il reprit. Je me sens tellement bien chez vous. C'est tellement différent de chez moi...

Je l'ai regardé pendant de longues secondes. Son regard était tellement implorant que je finis par céder :

-Ok, ok. Tu peux rester. Mais mon père va se douter de quelque chose.

-Je peux toujours... me cacher.

-Tu rigoles ?

Il haussa les épaules en me faisant un grand sourire.

-Je préfère ça que rentrer chez moi.

-Qu'est-ce que tu me feras pas faire, toi.

-Alors ?

-D'accord. Tu te fais discret, alors. Je veux pas d'emmerdes avec mon père, j'en ai assez eu.

-T'inquiètes pas, je serais muet comme un mort.

-T'as pas plus gaie comme expression ?

-Désolé, c'est tout ce que j'ai trouvé.