ISAAC

11 1 0
                                    

J'étais dans cette salle d'attente depuis cinq heures. Cinq longues heures. Je n'avais eu aucune informations sur l'état de Matthieu. Rien. J'avais juste attendu. Je n'avais prévenu personne. Je ne pouvais pas entendre la voix du père ou de la soeur de Matt. Je n'en avais pas la force. C'était impossible pour moi de dormir, de manger, de faire n'importe quoi, en fait. J'avais juste besoin de savoir comment il allait.

J'aperçus un médecin sortir d'un long couloir et je me précipitais immédiatement à sa rencontre.

-S'il vous plaît, ai-je imploré. Comment va mon ami ? J'ai besoin de savoir...

L'homme m'a regardé, s'est penché par-dessus un comptoir où attendait une secrétaire.

-Quel nom ?

-Matthieu. Matthieu Boisseau.

Le médecin a fait signe à la secrétaire qui a pianoté sur son ordinateur. Il a ensuite lu quelque chose et m'a accompagné un peu à l'écart.

-J'étais là au début de l'intervention. Votre ami a perdu beaucoup de sang. Il a également deux côtes cassées qui ont entraîné une perforation des poumons. Il est encore au bloc, en pleine opération. Les hémorragies ont été stoppées et l'opération se passe bien pour l'instant. C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment, il devrait sortir d'ici quelques heures. Vous devriez rentrer chez vous.

-Non... non je reste ici.

L'homme a hoché la tête.

-Je m'en doutais... Venez avec moi.

Je l'ai donc suivi à travers différents couloirs. Il m'a finalement désigné une petite salle avec des couchettes, une petite table et un frigo.

-Tu peux rester ici, je crois que ça fait un moment que tu es dans la salle d'attente. Sers-toi dans le frigo, ne te gênes pas.

Je le regardais, étonné.

-Vous êtes jeunes, tous les deux. Pas de famille. Je ne sais pas ce qui se passe ni pourquoi ton ami était dans cet état mais je me doute que vous n'êtes pas chez vous, ici. J'en ai vu des jeunes comme toi, crois-moi. Une fugue ?

Je restais silencieux en baissant les yeux. Il allait appeler la police. D'un côté, ce serait beaucoup mieux pour Matthieu. Mais je serais forcé de retourner chez mes parents. Et mon frère.

-Ecoute, je ne suis pas gendarme. Je veux juste soigner ton ami mais je ne vais pas m'occuper de ce que vous ferez ensuite. Il faut juste que je sache si vous êtes en danger. C'est très grave ce qui est arrivé.

-Je ne comprends pas... On ne faisait de mal à personne, je sais pas ce qui s'est passé, je me mis à parler en éclatant en sanglots. Enfin, peut-être. Après tout, il ne suffit pas de grand-chose pour attaquer les gens de nos jours. On nous a souvent lancé des regards, dévisagé, même insulté. Mais ça... Comment quelqu'un peut faire ça ?

Le médecin me fixa sans rien dire. Il me conduit au lit le plus proche et me fit asseoir en gardant une main sur mon épaule. Il m'inspirait tant de confiance, j'avais l'impression qu'il savait tout de notre histoire sans même avoir besoin de l'expliquer.

-J'en vois tous les jours des choses comme ça, a-t-il finit par avouer. Des règlements de compte, des violences conjugales, de la violence gratuite, tout simplement... On ne peut pas y faire grand chose à part soigner les gens. Ton ami va être soigné du mieux possible. Sa guérison dépendra de lui. Vous devriez rentrer chez vous, votre famille doit s'inquiéter.

-La sienne, oui. On va rentrer. Il va aller mieux et on rentrera. Comme ça, il s'en sortira, ai-je décidé en souriant à travers mes larmes.

Le médecin a juste hoché la tête et s'est dirigé vers la porte.

-Reste autant de temps que tu veux. Tu as besoin de te reposer et tu ne pourras pas voir ton ami avant encore quelques heures.

-Merci. Merci beaucoup.

-Ne changez jamais ce que vous êtes par peur des autres, a-t-il dit en me lançant un dernier regard.

Et il est sorti de la salle.

Je me suis écroulé sur le lit le plus proche et me suis instantanément endormi.

Lost BoysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant