MATTHIEU

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Nous avions beaucoup discuté avec Isaac, sur ce banc. Je ne sais toujours pas pourquoi c'était lui que j'avais appelé. Après, ça paraissait logique, c'était la seule personne que j'appréciais dans ce trou paumé sans compter ma famille. Et je n'allais certainement pas me confier à Charlie.

En tout cas, cela m'avait fait du bien. Il était doué pour réconforter les gens, ce gars.

J'étais en train de m'attacher et c'était assez terrifiant. Surtout sachant qu'il avait d'autres amis, beaucoup plus proches que moi. Pour lui, je n'étais qu'un camarade de classe qui lui racontait sa vie en chialant. J'étais pathétique.

Comme il fallait bien que je rentre à un moment, je dis au revoir à Isaac et marchais jusqu'à chez moi. Au début, je redoutais la confrontation à venir avec mon père mais en y réfléchissant, je n'avais rien à me reprocher. Je n'allais pas m'excuser de m'être emporté, d'avoir crié et encore moins d'avoir dit ce que je pensais depuis toujours. C'était sa faute, ça l'avait toujours été. D'accord, il assumait notre éducation à ma sœur et moi, seul, mais ce n'était pas une raison pour me traiter comme cela. Je n'avais pas choisi de naître.

Quand je passais le pas de la porte, je n'entendis aucun bruit. Mon père devait probablement être parti. Tant mieux.

En passant par ma chambre, je découvris Charlie sur son lit.

-Tu es déjà rentrée ? lui demandais-je.

-Je ne sais pas où tu étais mais tu as beaucoup traîné. Il est déjà dix-sept heures. Papa a appelé. Il s'inquiétait.

-Ah oui, il s'inquiétait ? C'est une première.

-Arrête. Il s'inquiète toujours pour toi. Plus que pour moi, d'ailleurs. Peut-être parce que je fais moins de conneries.

-Encore heureux, t'as treize ans, ma petite. Ton temps viendra, ne t'en fais pas.

-Ça m'étonnerait qu'on déménage à cause de moi. Mais si ça arrive, ce sera ma petite vengeance personnelle.

-T'inquiète pas, tu t'en mordras autant les doigts.

Il y eut un long silence.

-Appelle papa, a dit enfin ma sœur. Il te cherche.

Je hochais la tête.

Comme promis, je composais le numéro de mon père.

-Matthieu ? Tu vas bien ? Où es-tu ? a-t-il immédiatement demandé.

-Je suis à la maison. Tu peux rentrer, tout va bien.

Il a poussé un soupir de soulagement.

-J'arrive tout de suite.

J'ai raccroché.

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