MATTHIEU

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Avant de me coucher, mon père et moi avions eu une petite conversation. Il s'excusait, évidemment. J'avoue que je n'arrivais pas à enlever la colère que je ressentais au fond de moi mais je lui avais pardonné. C'était toujours comme ça.

Le lendemain, quand j'arrivais au lycée, je sus tout de suite qu'il y avait un souci avec Isaac et sa bande. Mais, peut-être parce que je n'étais pas d'humeur, ou simplement parce que je ne voulais pas m'imposer, je continuais mon chemin sans leur adresser la parole. Je verrais de toute façon Isaac en cours de physique et je pourrais lui parler à ce moment-là.

La journée passa terriblement lentement, jusqu'au cours de physique, le dernier de la journée.

Je m'assis à ma place, attendant qu'Isaac me rejoigne. J'attendis quelques minutes avant de lui adresser la parole, histoire qu'il n'ait pas l'impression que j'ai attendu ce moment depuis ce matin (ce qui était tristement vrai).

-Alors ? Tout se passe bien dans ta vie ? ai-je commencé.

-Tu pourrais pas avoir plus tort qu'à cet instant.

Je restais silencieux un moment.

-Tu veux en parler ?

-Non.

-Ah.

Je ne savais clairement plus quoi dire. Mais une chose était sûre, notre conversation n'allait pas s'arrêter là.

-Parce que tu sais, tu m'as été d'une grande aide en m'écoutant donc...

-J'ai dit non.

-Ok. J'ai compris le message. Moi je parle, toi pas. Ça marche.

Il faisait semblant de se concentrer sur le cours. J'avais plusieurs fois eu recours à cette astuce lorsque j'avais affaire à des camarades lourds à qui je n'avais aucune envie de parler.

-J'ai bien vu qu'il y a un truc qui va pas, je suis pas débile. Et ça m'embête. Parce que je t'apprécie Isaac Ferrer.

Il posa enfin son regard sur moi. J'avais déjà dit qu'il avait de très beaux yeux ?

-Tu veux savoir ce qui ne va pas ? Ben je vais te le dire. Il me reste encore un an et après ce sera l'enfer pour moi. Mes parents m'envoient dans un pensionnat l'année prochaine. Je peux dire adieu à tous mes potes. A mes habitudes, mon village que je déteste mais qui va pourtant me manquer, mes parents aussi, même si ce n'est pas une grande perte. Et tu sais pourquoi ? Parce que mon frère est un connard. Voilà ce qui ne va pas. Et tu sais encore une chose ? J'ai vraiment pas envie de parler là, surtout pas à toi. Parce que tu sais ce qui va arriver ? Je vais m'attacher à toi. Et on va se quitter. Et tu vas être triste. Et j'ai pas envie de ça. Donc si tu pouvais juste arrêter de parler, pour une fois, ce serait bien.

Je suis resté sans voix une minute au moins.

-Isaac... Je suis désolé.

-Sois pas désolé, c'est la dernière chose que je veux.

J'acquiesçais en silence et je me reconcentrais sur le cours. J'aurais peut-être dû m'abstenir d'ouvrir ma gueule pour une fois.

A la fin du cours, je fus surpris d'entendre la voix de mon voisin de table. Je m'attendais à ce qu'il ne m'adresse plus la parole pour la semaine.

-Matt, je voulais pas te parler comme ça. Excuse-moi, je suis un peu sur les nerfs, là.

-Je peux comprendre. Eh, ça te dit de passer chez moi ? Apparemment, c'est pas la joie avec tes parents, donc si ça peut te faire du bien...

-Ce serait avec plaisir, a-t-il dit en souriant.

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