Les journées passaient très lentement. J'avais proposé mes services à tous les restaurants, les boutiques des environs. Pour l'instant, je n'avais aucune réponse. Je n'avais pas grand-chose à mettre sur mon CV à vrai dire. Je n'avais pas de domicile, aucun garant. La vie risquait d'être compliquée pour un moment.
Mais je revoyais Matt aujourd'hui alors mon sourire était revenu.
Dès que je l'aperçus, je l'embrassais tendrement. Ça me faisait toujours bizarre d'embrasser un garçon mais la sensation était si agréable que je n'y pensais plus.
-Bon, alors, je dois te raconter mon aventure chez toi, a commencé Matthieu.
J'écoutais attentivement son récit jusqu'à ce qu'il me confie les mots prononcés par mon frère.
-Il a toujours été comme ça. Un coup, tout va bien et il paraît gentil et une autre fois il me tape comme si j'étais une menace pour lui. J'ai arrêté d'essayer de le comprendre il y a bien longtemps. En tout cas, s'il va bien, c'est rassurant. Je ne serais pas obligé de me préoccuper de lui sans arrêt.
-C'est quoi la suite pour toi ?
-Tu veux venir avec moi ?
-Où ?
-Tu verras.
Je guidais mon ami à travers un chemin que j'avais découvert il y avait bien des années. Il fallait gravir une pente et ensuite, on avait une vue incroyable sur tout le village. Nous nous trouvions sur une énorme falaise, plantée au milieu de nulle part et impossible à voir.
-Comment t'as trouvé ça ?
-Un peu au hasard. Quand j'avais quatorze ans.
-C'est magnifique...
-Oui. Tu sais, à l'époque j'avais rencontré un garçon...
J'ai regardé mon copain, un peu honteux de la tournure qu'avaient pris les événements. Je ne l'avais jamais raconté à personne auparavant.
-J'étais amoureux de lui. Je ne voulais pas me l'avouer mais je le savais. Et c'était une période difficile avec mes parents et mon frère...
-Qu'est-ce qui s'est passé ?
-J'ai découvert cette falaise et pour moi, ça a été comme... un signe.
-Un signe de quoi ?
Je l'ai regardé, en espérant qu'il comprenne de lui-même. Même s'il avait compris, je sus qu'il fallait que je le dise.
-J'ai failli sauter il y a deux ans. J'avais tout préparé. Une lettre pour mes parents où je leur disais ce que je pensais d'eux. Une lettre pour Axel où je m'excusais de le laisser seul. J'avais même écrit une lettre à mon ami pour lui dire ce que je ressentais. Un matin, je suis parti, seul. J'étais à deux doigts de le faire, Matt.
Je sentis les larmes couler sur mes joues. Pendant deux ans, j'avais tout fait pour oublier ce qu'il s'était passé et tout me revenait comme si c'était hier.
-Je me sentais tellement mal et je croyais que rien ne se réglerait. Je ne pensais pas pouvoir m'en sortir. J'avais honte de moi, peur aussi. Je préférais mourir en sautant d'une falaise que sous les coups de mon père ou mon frère.
Matthieu ne cessait de me regarder, les larmes aux yeux, lui aussi.
-J'y ai beaucoup repensé ces derniers temps. Oui, parce que je ne pourrais jamais avouer que j'aime un garçon. Mes parents ne me lâcheront pas, il faudra un mort pour que tout s'arrête. Je n'ai pas envie que ce soit Axel mais si ce n'est pas lui, il ira en prison pour avoir commis le crime. Je n'ai rien, pas de maison, pas d'argent. Plus de famille. Je n'ai que toi, Matt.
-Tu allais sauter ? Sans me dire au-revoir ?
-Quand je t'ai quitté, je me suis retrouvé là. Et je me suis dit : cette fois, ça doit vraiment être un signe. Mais je n'ai pas osé. Une nouvelle fois. J'ai pensé à toi et je me suis dit, ce serait un sacré gâchis.
-Si tu avais fait ça, je t'aurais tué de mes mains, tu m'entends ?
J'ai éclaté de rire et il a esquissé un sourire.
-Je comprends, a-t-il murmuré. Tu pensais n'avoir aucun autre choix. Moi aussi, je suis terrifié, tu crois quoi ? J'ai peur de dire à mon père ce que je ressens pour toi. J'ai peur qu'il t'arrive quelque chose en permanence. Mais je sais que ça ne servirait à rien de faire ça. On mérite d'être heureux et on le sera, Isaac. Ce sera du passé, un jour. Tout va changer, tu verras. Et là, tu seras soulagé de n'avoir pas sauté de cette falaise. Parce que tu vivras des jours extraordinaires et tu les aurais manqué si tu l'avais fait. On peut toujours s'en sortir.
-T'as répété ton speech avant de venir ?
-Oh, tais-toi.
-En tout cas, tu m'as un peu sauvé la vie. Tu m'as fait revivre mais en même temps, t'as failli me tuer. T'es plein de paradoxes, tu sais.
-Si jamais tu penses encore à ça, je veux que tu me le dise tout de suite. Et j'ai envie de le dire à mon père. Pour nous. De lui expliquer ce qu'il se passe chez toi. Je veux que tu aie un foyer. Je suis sûr que si je lui explique, il comprendra. Et il t'accueillera chez nous.
-Je ne peux pas m'incruster chez toi comme ça. Ton père n'a pas à faire ça.
-Tu as le droit de demander de l'aide de temps en temps, Isaac. Ma soeur t'adore déjà. Laisse-moi faire ça pour toi.
J'ai pris sa main dans la mienne et j'ai acquiescé.
VOUS LISEZ
Lost Boys
Fiksi RemajaC'était une histoire d'amour compliquée. Une histoire d'amour incomprise. Une histoire d'amour critiquée. Une histoire d'amour impulsive. C'était pourtant une belle histoire. Mais pour certains c'était contradictoire. Ils ne savaient pas que nous n...