MATTHIEU

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J'avais froid. Si froid. Il fallait que j'ouvre les yeux, maintenant. J'en avais marre du noir. Quand j'étais petit, j'avais peur du noir. Je crois que c'est toujours le cas...

Je me forçais à battre des paupières. Je sentis peu à peu une main dans la mienne. Quelqu'un qui m'appelait. Tout doucement.

-Matthieu ? Matthieu ! Ça va aller, c'est moi Isaac.

-Isaac ? Ma voix sonnait bizarrement, comme si cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé.

Soudain, je me mis à tousser à pleins poumons.

-Ça va, a répété Isaac. Tu t'en es sorti, rien de grave.

-Combien de temps est-ce que j'ai dormi ?

-J'ai un peu perdu le compte mais je suis arrivé ici hier matin. Donc ça doit faire presque deux jours.

-Deux jours ? Je me rappelle plus ce qui s'est passé. Isaac, pourquoi j'arrive pas à me rappeler ?

Je commençais à paniquer, j'avais du mal à respirer.

-Calme-toi, je vais chercher un médecin. C'est normal, Matt, respire.

Je l'entendis appeler une infirmière croisée dans le couloir.

-Monsieur, calmez-vous, essayez de bien respirer, m'a-t-elle dit, une fois devant mon lit.

-Faites quelque chose ! a hurlé Isaac.

-Je ne peux rien faire, ce n'est pas physique. C'est dans sa tête.

J'avais du mal à voir clair, j'avais chaud, je ne pouvais pas respirer. J'allais mourir, c'était sûr. Je ne sais pas ce qui m'arrivait mais j'allais crever, là.

-Matthieu ? MATTHIEU ! Regarde-moi !

J'entendais ma respiration siffler à mes oreilles. Je me forçais à regarder mon ami.

-Respire avec moi.

Il se mit à inspirer et expirer fort en comptant. J'essayais de faire comme lui mais ma respiration était beaucoup trop rapide.

-Eh ! Concentre-toi sur ma voix. Compte dans ta tête. Occupe-toi juste de compter.

Je mis plusieurs minutes à réussir à me fixer sur la voix d'Isaac.

-C'est bien, respire comme moi.

Au bout de longues minutes, ma respiration se calma totalement pour reprendre un cours normal.

-C'est bien, tu vas bien, a-t-il encore dit.

-Merci. Merci, Isaac. Où t'as appris à faire ça ?

-Mon frère faisait des crises d'angoisse quand il était plus petit.

-J'avais jamais fait ça. Ça m'était jamais arrivé.

-Ça arrive, c'est pas grave. Ça fait peur au début, c'est sûr.

-Et... ça va se reproduire ?

-Non, pas forcément. T'as vécu des événements traumatisants ces derniers jours, beaucoup de stress... Et si jamais ça se reproduit, je serais là, ok ?

-Merci, ai-je dit en le prenant dans mes bras. Je suis désolé...

-Chut... On en parlera plus tard.

Un médecin est arrivé à ce moment-là.

-Bonjour, Matthieu. Tu a été bien amoché, dis donc. Tu veux nous raconter ce qu'il s'est passé ?

-Je ne sais pas... Je marchais dans les rues près de notre hôtel et... quelqu'un m'a frappé. J'avais mal à la tête et je sentais qu'on me donnait des coups. Je me suis évanoui et je me suis retrouvé ici.

-Comment des gens ont pu te faire ça ? A murmuré Isaac, les larmes aux yeux.

-Vous ne suspectez personne ? Pas de disputes, récemment ? Personne ne vous a menacé ?

-Non... Pas que je me souvienne.

-Et vous ? a-t-il demandé en se tournant vers mon ami.

-Evidemment, les gens nous regardaient. On sort ensemble, on est deux garçons, ça arrive. Mais je n'aurais jamais imaginé que quelqu'un pourrait faire quelques chose d'aussi horrible.

-Bon... Je vous garde en observation aujourd'hui encore et vous devriez être en état pour repartir dans la semaine. Certaines blessures sont superficielles, il nous reste juste à contrôler vos poumons. En attendant, reposez-vous.

Le médecin se préparait à quitter la chambre quand il s'est retourné vers nous.

-Ah, j'oubliais. Etant donné que vous êtes mineurs, il va me falloir contacter vos parents.

Et il est sorti. J'ai regardé Isaac.

-Il faut qu'on s'en aille.

Mon ami a éclaté de rire.

-Non.

-Isaac... Il va appeler nos parents. Tes parents. On sera obligé de rentrer.

-Tant mieux, c'est justement ce que j'espérais.

-Quoi ?

-Rien, oublie. Tu dois te faire soigner. Je ne tiens pas à ce que tu meures parce qu'on a quitté l'hôpital trop tôt.

-Je vais bien...

-Non. Quelqu'un t'a presque battu à mort, Matt. Tu dois rentrer chez toi, retrouver ta famille.

-Pas sans toi.

-Je t'avais prévenu que je ne rentrerais pas. Je ne peux pas.

-Je t'en prie, Isaac. Je ne peux pas retourner chez moi en te sachant ici, tout seul.

-On savait très bien comment ça allait se finir. J'espérais rendre les choses plus faciles...

-Qu'est-ce que tu racontes ?

-Notre dispute.

J'ai écarquillé les yeux en comprenant ce qu'il essayait désespérément de me dire.

-Tu l'as fait exprès ? Pour que je rentre ? T'étais prêt à bousiller toute notre relation pour que je rentre chez moi ?

-Pour que tu sois en sécurité. Ce qui a très bien marché, soit dit en passant.

J'ai éclaté de rire tellement la situation était comique.

-Tu vois ce qui arrive quand tu n'es pas avec moi, ai-je déclaré pour le faire culpabiliser encore plus.

Isaac a poussé un profond soupir.

-D'accord. Je t'accompagne. Tu restes à l'hôpital encore un jour, nos parents n'auront pas le temps de faire le chemin jusqu'à demain. Après, on s'en va. On rentre chez toi, je vérifie que tu vas bien et je retourne à Paris. Ou autre part. Loin de chez moi, en tout cas.

J'ai acquiescé silencieusement. J'étais persuadé qu'une fois chez moi, j'arriverais à le faire rester.

-Je t'aime, Matthieu. Désolé de t'avoir fait souffrir.

-Je t'aime aussi. 

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