ISAAC

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En laissant Matthieu devant chez moi, quelques heures plus tôt, j'avais le cœur qui battait à cent à l'heure. Je ne savais pas à quoi m'attendre de la part de mes parents : reproche, colère, indifférence ? Ils étaient capables de tout. La porte grinça derrière moi. Mon père était dans la cuisine avec mon frère. Comme par hasard, la seule qui aurait pu arranger les choses n'était pas là.

-Regarde qui nous fait enfin l'honneur de sa présence, s'exclama mon père.

-Le fils prodige est de retour, s'est moqué Axel.

-Je suis désolé, j'avais...

-Laisse les explications pour ta mère. Personnellement, je m'en fous un peu. T'en as quelque chose à faire, toi, Axel ?

-Pas du tout.

-Bien. Alors, c'est parfait.

-T'as bu ? ai-je lancé à mon père.

-Est-ce que je te pose la question, moi ? A ce que je sache, tu aurais aussi bien pu avoir été enlevé et être mort dans une cave à l'heure qu'il est.

-Je suis sûr que ça t'aurait plu.

-Au moins, j'aurais été débarrassé de toi. Tu sais comme c'est compliqué pour moi et ta mère, d'avoir un fils comme toi ? Qui fait des conneries, qui est violent avec son frère et qui n'a aucune reconnaissance envers nous ?

-Vous avez qu'à me laisser tranquille, alors ! Si ce que je fais vous importe si peu, pourquoi vous voulez m'envoyer à l'autre bout du pays ?

-Pour ne plus t'avoir dans nos pattes, peut-être ? Et puisque tu décides de t'enfuir de la maison, tu iras au pensionnat dès la semaine prochaine. On a déjà tout organisé.

Je fixais mon père pendant de longs instants.

-C'est une blague ?

-Absolument pas. Maintenant va dans ta chambre.

Je lançais un regard à mon frère. Etonnamment, il baissa les yeux. Il paraissait presque honteux, sentiment que je n'avais jamais vu sur son visage.

Je montais les escaliers jusqu'à ma chambre, presque au ralenti. Ils ne pouvaient pas me faire ça. Pas maintenant. J'avais ma vie ici. Mes amis. Matthieu. J'attendis le repas qui se déroula dans le silence le plus complet pour m'enfuir par la fenêtre de ma chambre. Ce n'était pas très haut, j'avais l'habitude de partir par là depuis mon enfance. Une fois arrivé près du parc, j'avais appelé Matthieu et il était venu quelques minutes après.

Je lui racontais ce qu'il s'était passé.

-Tu sais, c'est pas la mort..., a-t-il dit à la fin de mon récit. Au moins, tu seras éloigné de tes parents et de ton frère. Ça ne peut te faire que du bien.

-Tu le penses vraiment ? Tu crois que j'irais bien dans une ville que je ne connais même pas ?

-C'est qu'à trois heures d'ici... Tu sur-réagis un peu, Isaac.

-Je surréagis ? Tu sais comme ça fait mal de se sentir pas aimé par ses parents ? D'être un poids pour tout le monde ? De se sentir haï par son frère sans raison ? Non, tu ne peux pas le savoir, toi t'as un père et une sœur qui t'aiment.

-Ma mère m'a abandonné, je sais très bien ce que ça fait.

-Tu peux toujours compter sur d'autres personnes ! Moi, si je pars, j'ai plus rien !

-Moi aussi, j'ai déménagé. J'ai perdu pleins de potes à cause de ça. Alors, oui, j'ai mon père et ma sœur. Mais tu crois vraiment que parce que tu pars à trois heures d'ici, j'arrêterais de te parler ?

-Je partirais pas. C'est impossible.

-Isaac... T'as pas le choix. Ce sera pour deux ans seulement. Après tu seras majeur, tu pourras aller où tu veux.

-Matthieu, tu comprends pas... Ils ne me lâcheront jamais. Et mon frère...

-Quoi ?

-Je t'ai menti. Il a jamais arrêté de me frapper. Mon père frappe mon frère et lui se venge sur moi.

-Hein ? Mais c'est horrible. Pourquoi tu me l'as pas dit ?

-Et t'aurais fait quoi, hein ?

-Faut aller voir la police, je sais pas moi, il y a bien quelque chose à faire, enfin !

-Mon père a trop d'influence sur la police, j'ai déjà essayé. Non, je dois partir c'est le seul moyen.

-Isaac... Tu vas faire comment, tout seul ? T'as pas d'argent ou presque, t'es mineur...

-Faut que j'essaye au moins. Tu ne m'arrêteras pas.

-Je peux pas te laisser partir seul.

-Tu m'écoutes pas, je crois. Je pars, quoi que tu en penses.

-C'est toi qui m'écoutes pas, je t'ai dit que je te laisserais pas partir, seul.

-Je t'interdis de venir avec moi.

-Mais...

-Non ! T'as ta vie, ici. Ton père, ta sœur.

-Je leur laisserais un mot, ils me feront confiance.

-C'est pas des vacances, Matt. Si je pars, je ne reviendrais plus.

-Laisse moi t'accompagner. Je ne supporterais pas de te savoir seul, livré à toi-même.

-Promets moi que tu reviendras chez toi alors.

-Quand le moment sera venu, je te le promets.

Lost BoysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant