ISAAC

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J'ai découvert une nouvelle facette de Matthieu, aujourd'hui. Je ne peux pas prétendre bien le connaître mais j'aurais imaginé qu'il serait plus renfermé face à ses sentiments. Et là, il a carrément pleuré devant moi. Si vous voulez mon avis, il faut soit avoir beaucoup de confiance en celui qui vous voit pleurer ou alors être vraiment désespéré. C'est quelque chose d'assez intime, on s'abandonne complètement.

Ou alors, c'est juste moi et les gens pleurent tout le temps sans que cela ne change rien à leurs vies.

Quand je suis rentré chez moi, je sus tout de suite que quelque chose n'allait pas. Mes parents étaient tous les deux au salon, debout, et mon frère était assis dans le canapé. Qu'est-ce qu'il avait encore fabriqué ?

-Ah, on t'attendait. Tu étais où ? me demanda tout de suite ma mère.

-Avec un ami, pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Va t'asseoir, m'ordonna mon père, d'un ton sec.

Okaaay. Ça s'annonçait mal.

-Axel nous a tout raconté, a annoncé ma mère.

Je lançais un regard d'incompréhension, qui ne fut apparemment pas compris.

-Il vous a raconté... quoi, exactement ?

-Ne fais pas l'innocent avec nous, Isaac, dit mon père.

Je ne comprenais vraiment rien. Ils ne pouvaient pas être clairs, pour une fois.

-Mais encore ?

-Tu croyais qu'on ne remarquerait pas les cent-cinquante euros que tu as piqué ? m'attaqua mon père.

Alors, déjà, qui gardait cent-cinquante euros en liquide dans son porte-monnaie ? Je vous le demande. Et ensuite, je ne voyais pas ce que je pourrais faire avec cet argent. Il n'y avait même pas de cinéma dans notre bled.

-Alors, je ne vois pas de quoi vous parlez. Je n'y suis pour rien.

-Ne joue pas à ça, a encore dit mon père. Je t'interdis de te moquer de nous comme cela.

-Vous n'avez pas pensé une seule seconde que ça pouvait être Axel qui vous a raconté des conneries ? me suis-je énervé.

-Déjà, tu descends d'un ton, jeune homme, et tu nous parles mieux. Et puis, comment oses-tu accuser ton frère ?

-Je ne voulais pas te balancer, petit frère. Mais c'est quand même une somme. Il faut que quelqu'un te remette dans le droit chemin, m'a lancé Axel avec un clin d'œil.

Le salaud. Je le détestais. Ce n'était pas la première fois qu'il me faisait un sale coup comme ça. Mais là, il avait fait fort. J'allais prendre cher.

-Bon, vous voulez me faire quoi concrètement ? ai-je demandé. Parce que bon, être privé de sortie, je connais et de toute façon, il n'y a pas grand-chose à faire dans le coin.

-Puisque tu insistes, on a trouvé un moyen un peu plus radical pour que tu arrêtes tes conneries. On te laisse finir ton année et dès ta Terminale, on t'envoie dans un pensionnat. Très loin d'ici.

Je restais bouche bée face à cette nouvelle. Alors là, je ne m'y attendais pas.

-Un pensionnat ? Vous vous êtes cru dans un film ou quoi ?

-On en a trouvé un très bien à trois heures d'ici. On te laissera rentrer pour les vacances mais sinon tu vivras là-bas.

-Ma dernière année ? Loin ? Tout seul ? Et mes amis ? Pour un truc que j'ai même pas fait, en plus ?

-Il fallait y réfléchir avant. Peut-être que tu ne seras pas influencé par tes amis, comme ça.

-Influencé ? Mes potes, c'est des intellos, ils ont jamais fait une connerie de leur vie.

-On pense vraiment qu'un changement d'environnement te fera le plus grand bien. Et, au moins, tu ne risques pas de piquer dans notre porte-monnaie, n'est-ce pas.

-Vous pouvez pas faire ça.

-Oh que si, jeune homme. D'ailleurs, c'est déjà organisé avec l'école.

-Vous me détestez tellement que vous êtes impatients de vous débarrasser de moi sans même remettre en doute, une seule seconde, votre premier fils parfait.

-Arrête de tout mettre sur le dos de ton frère, maintenant. Va dans ta chambre.

-Avec joie.

Lost BoysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant