ISAAC

20 1 0
                                    

Je répondis d'abord à son baiser avant de réaliser ce que je faisais. Je le repoussais légèrement.

-Attends, pourquoi tu viens de faire ça ?

-Tu me crois si je te dis que j'en ai absolument aucune idée ?

J'ai souri en disant :

-Tu me crois si j'ai très envie que tu recommences ?

Et sans que je m'y attende, il m'a embrassé une nouvelle fois. Cette fois, je me suis laissé faire.

-Je croyais que tu ne ressentais rien pour moi, ai-je dit à la fin de notre baiser.

-Je n'ai jamais dit ça. Mais là, tu vois, ça semble assez évident. Tu me fais ressentir de ces trucs...

-Crois-moi, j'ai bien eu le temps d'y songer, cette nuit.

-Ah, alors c'est ça. J'ai dormi avec toi et maintenant c'est bon, t'es accro. Faudrait calmer tes hormones, mon cher ami.

-Mais tais-toi, ai-je éclaté de rire. Je l'ai juste réalisé quand tu m'as réconforté. Enfin, t'es resté éveillé juste pour moi, quoi. Personne n'avait jamais fait ça.

-Pas même ta mère ?

-Encore moins ma mère.

-Tes parents sont vraiment horribles.

-Ça, tu l'as dit. Ils ont toujours énormément travaillé et en fait j'ai jamais passé de temps avec eux. De toute façon, ils ne m'aiment pas beaucoup, je crois que t'as pu le remarquer.

-Ton enfance a dû être affreuse. Enfin, même moi, avec la mort de ma mère, je crois que je m'en sors bien. Mon père a toujours super bien géré.

-Ouais, il a l'air génial. Mais tu sais, quand j'étais gosse, j'avais encore mon frère. Ça peut paraître impensable maintenant mais à l'époque, on s'entendait bien. On se serrait les coudes.

-C'est tellement triste que ça ait changé à ce point. Tu sais ce qui s'est passé ?

-Ouais... Je devais avoir environ sept ans. C'est à ce moment que tout a changé. Je ne pourrais pas te raconter la situation exacte mais mon frère avait onze ans, il me semble. Il avait fait une connerie ce jour là et c'était une période compliquée pour lui. Il avait de mauvaises notes, de mauvaises fréquentations. Bref, mes parents l'enfonçaient en permanence, ils l'engueulaient tout le temps. Ça m'a beaucoup marqué à l'époque. Et donc, un jour, quand il est rentré à la maison, mon père l'a frappé.

-Mais c'est affreux ! Désolé si je me répète mais bon...

-Je n'ai jamais su pourquoi mais mon frère m'a toujours reproché ce geste. Et après il a fait en sorte d'être toujours exemplaire vis-à-vis de mes parents. Et par conséquent, le meilleur moyen de le faire était de mettre toute l'attention sur moi. Donc, lui, il passait pour le fils parfait pendant qu'il rejetait toutes les fautes sur moi. Et il y aussi l'histoire de l'héritage.

-Il y a toujours une histoire d'héritage quelque part.

-Mon père, après cette histoire, m'a promis de me donner sa boîte à sa mort. Moi, je m'en fous complètement, c'est pas ce que je veux faire de ma vie. Mais pour Axel... ben, c'est un peu son rêve. Depuis tout petit, mon père lui a toujours dit que la boîte lui reviendrait vu que c'est l'aîné.

-Juste à cause d'une petite connerie ? Il abuse un petit peu, ton père, non ?

-Si c'était juste ça...

-Je pense sincèrement que ta vie devrait être adaptée en film. Tu sais, le genre déprimant. Qui fait aimer la vie aux gens normaux après être sorti du ciné.

-Ouais, je vois le genre.

-Donc ? Qu'avait-fait ton frère ?

-Il avait mis une fille enceinte.

-Quoi ? A onze ans ?

-Non, à treize. Il a essayé de garder le secret mais la fille s'est pointée à la maison. Alors qu'il n'y avait que mes parents et moi.

-Aïe.

-Comme tu dis. Tu n'imagines pas ce qu'a fait mon père quand Axel est rentré. Il a dû aller à l'hôpital.

-Oh, non, à ce point ?

-On a essayé de s'interposer, ma mère et moi. Mais c'était impossible, mon père était devenu fou. Il avait détruit Axel. C'est vraiment à partir de ce moment qu'il a commencé à me haïr.

-Pourtant, tu ne pouvais rien pour l'aider.

-Oui, mais tu comprends, mon père n'a jamais levé la main sur moi, ce que je n'ai jamais pu expliquer, d'ailleurs.

-Du coup, Axel a décidé de se venger et de te faire ce que faisait votre père sur lui.

-Ouais... Je pense qu'il m'a toujours envié pour cela. Quand j'étais petit, j'étais le chouchou de nos parents. Ça s'est inversé avec le temps.

-C'est dégueulasse qu'il t'ait fait ça. Il devait pourtant savoir ce que ça te ferait, il l'avait vécu. T'étais gosse en plus.

-Je crois que ça ne m'atteignait pas. J'avais tellement vu mon père le faire que je le méritais. Enfin, je pensais que je le méritais.

-Tu ne le méritais pas.

Nous sommes restés silencieux un long moment.

-J'aurais tellement aimé t'avoir rencontré plus tôt, a soudain dit Matthieu.

Je me suis tourné vers lui.

-Tu aurais voulu me sauver et passer pour un héros, c'est ça ?

-Je crois que je t'ai déjà sauvé.

-Ouah, quel prétentieux.

-Allez, avoue-le.

-Jamais j'avouerais ça, tu peux rêver.

Lost BoysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant