46 : Portail

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La nuit étendait son manteau sur le campement. Les étoiles commençaient à briller, la lune se levait doucement pour éclairer le paysage sous les yeux d'Anael.

Il glissa une de ses mèches derrière son oreille et s'épongea le front. Devant lui se balançait un sac de sable renforcé qu'il s'échinait à frapper pour s'éclaircir les idées... ainsi que pour éviter de penser à la suite. Aux prochains jours...

Il heurta sa cible d'un coup de pied latéral. Sa respiration se faisait difficile, ses muscles brûlaient, pourtant il n'arrivait pas à arrêter. Il redoutait son sommeil et ses cauchemars, même s'il ne pointerait sans doute pas le bout de son nez avant l'aube, repoussé par le stress et des images indésirables d'une certaine tête blonde auréolée de soleil...

Il pesta. Raté, il y avait encore pensé.

Anael s'effondra dans l'herbe, se coucha en étoile et détailla la voûte étoilée du regard, rongé par plusieurs émotions entremêlées dont il ne parvenait pas à se défaire. Le stress, la peur, la honte, l'envie... L'envie de laisser ses désirs s'exprimer, au détriment de toutes les conséquences. Mais c'était inconcevable. De plus, il serait parti dans cinq jours, juste après l'accomplissement de cette foutue prophétie.

Il laissa ses lèvres exhaler un nuage de vapeur brûlant. La sueur qui parsemait sa peau pâle brillait sous les étoiles. Là, seul et à l'abri des regards, Anael sentit des larmes d'impuissance poindre sous ses cils ; il ferma les yeux et les laissa ruisseler sur ses joues. Ses poings se serrèrent doucement, il pencha la tête sur le côté, les perles salées s'écoulèrent jusqu'à rejoindre l'herbe humide et Anael sentit quelque chose se briser dans sa poitrine.

***

— Tout le monde est prêt ?

Sysiphe parcourut l'assemblée de combattants qui s'étendait devant elle, tous parés à passer à l'attaque. Les combinaisons spéciales reflétaient les rayons solaires, les armes métalliques scintillaient et les regards étaient déterminés.

Anael, silencieux, termina d'attacher ses cheveux en une simple queue de cheval. A ses hanches pendaient divers poignards luisants. A ses côtés, Maïwenn s'échauffait doucement les articulations. Ses mèches rousses avaient été disciplinées en nattes, au nombre de deux, qui pendaient sur ses épaules. Dans la teinte forêt de ses yeux, on voyait toute sa détermination pour les prochains jours... La Combattante n'allait rien lâcher, en témoignait le fourreau de katana qui battait sa hanche, à l'intérieur duquel se cachait une lame affûtée.

Non loin, Sophia regardait sa mère, une drôle de lueur au fond des iris. Elle secoua la tête, détourna les yeux et rejoignit ses acolytes, nerveuse. Son fidèle bâton de métal était attaché à sa ceinture et ses nattes africaines, plaquées contre son crâne, lui conféraient une aura dangereuse. Ses yeux sombres assortis à sa peau couleur d'ambre laissaient transparaître la même envie d'en découdre que celle qui habitait la Renarde.

Anael leva les yeux, une fois prêt, et accrocha une chevelure dorée au loin. Orel se dressait, véritable combattant, aux côtés de son père. Une petite main s'accrocha à sa manche et le tira vers le bas. Lorsque le joli visage de Colibri, aux yeux bleu-vert inquiets, se dessina derrière le corps de son frère, Orel laissa la tristesse se peindre sur ses traits et s'accroupit pour serrer sa soeur dans ses bras. Il paraissait lui murmurer quelque chose à l'oreille, le visage enfoui dans ses boucles brunes. Puis, alors que la petite commençait à pleurer, il la poussa gentiment vers une dame âgée, qui l'emmena doucement vers l'une des tentes. Orel resta quelques instants immobile, perdu dans ses pensées. Puis, il se détourna et se plaça aux côtés de son père, impassible. Tout un chacun l'aurait cru simplement concentré, mais ses amis décelaient l'immense inquiétude qui lui tenaillait l'estomac.

Eclipse ~ la guerre de la Morphiax [BxB] (FINIE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant