51 : Fureur

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Une flamme blanche. Aveuglante. Furieuse. Dévastatrice.

Une véritable langue de feu se dressa au-dessus de l'Hybride. La magie crépita, sauta sur la peau, bondit vers le ciel. Les flammes grandissaient, s'élevaient et entourèrent la silhouette de leur créateur dans une tornade brûlante. Les yeux brillants d'Anael interceptèrent ceux des Reptiles qui se ruaient sur lui, et il tendit la main.

Le feu hurla, jaillit en un rayon ardent qui vint crépiter sur les écailles. Un cri échappa à la victime qui se tordit au sol dans l'espoir d'éteindre les flammes, en vain. Sa peau noircit dans un horrible nuage à l'odeur de brûlé, alors qu'il continuait de hurler. Ses camarades, un instant figés de stupeur, rugirent et passèrent à l'assaut.

La majorité finit au sol ou la queue entre les jambes dans la forêt. Les Reptiles s'enfuyaient, en déroute, les plus faibles gisaient déjà au sol. Mais un groupe résistait, évitait les flammes, puissantes mais peu précises. Anael, comme dans un état second, les observa, protégé au sein de la tornade flamboyante.

Ces Reptiles étaient agiles. Ils éviteraient sans doute les flammes s'il ne changeait pas de stratégie, d'autant qu'il risquait la fatigue. Il sentait son pouvoir rugir dans ses veines, mais ses réserves ne seraient pas infinies...

Anael rétracta quelque peu ses flammes immaculées et cligna des yeux, lentement. Il se sentait étrangement détaché, comme s'il ne faisait plus vraiment partie de ce monde... mais les visages déformés de haine de ses adversaires l'ancrèrent soudain et il fronça les sourcils. L'Hybride serra les poings et poussa un cri alors que ses vêtements se déchiraient brusquement, écartelés par la carrure de l'Ours qui foula soudain l'endroit.

Sur sa fourrure coururent des éclairs fous, un mélange furieux de mauve, bleu et blanc, alors que ses babines noires dévoilaient des crocs acérés. L'Ours était encore plus grand que dans ses souvenirs, la magie provoquait une croissance accélérée de son squelette et de ses muscles, noueux, qui roulaient sous la fourrure brune. Une véritable bête prenait à présent part à la bataille, non plus un animal décharné et solitaire.

Un rugissement écrasant jaillit de sa gueule, alors qu'il frappait de ses pattes la boue ensanglantée qui couvrait le sol. Une onde ébranla la terre et Anael se jeta dans la mêlée.

***

Ce n'était pas la gloire, la joie ou la victoire qui emplissait son coeur, non. Une profonde lassitude lui étreignait la poitrine, lui comprimait le torse, alors que la troupe de cinq s'enfonçait dans les bois.

Anael avait les yeux rivés devant lui, mais ce regard était hanté ; les visages tordus, grimaçants, des cadavres, furent-ils écailleux, s'étaient comme imprimés sur sa rétine. Il n'arrivait pas à s'ôter de la tête que ces combattants étaient, au fond, semblables aux leurs. De quel droit avait-il fauché toute une troupe ? Seul, avec un pouvoir qu'ils n'avaient aucune chance de contrer ? Qu'ils ne connaissaient même pas ?

Dans la mort, ils étaient tous pareils. Anael avait l'impression que ses mains, pourtant lavées précautionneusement, étaient encore couvertes de sang, poisseux, chaud, rouge, si rouge...

Autour de lui, ses amis échangeaient des regards inquiets. Il avait l'air ailleurs, perdu dans des pensées bien trop sombres. Ses doigts se crispaient et se détendaient convulsivement.

Sous sa forme de loup noir, Ange ouvrait la marche, l'oreille aux aguets. Venait ensuite Maïwenn, légère comme une plume et discrète, si discrète qu'on aurait pu la confondre avec une feuille dans le vent. Anael la suivait, bien plus pataud, mais il parvenait à éviter les obstacles comme un somnambule, comptant sur sa nature d'animal forestier. Orel fixait son dos, inquiet, alors que Sophia fermait la marche, attentive aux bruits et aux odeurs.

Eclipse ~ la guerre de la Morphiax [BxB] (FINIE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant