La Trinité Poitevine - Partie 5

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Périphérie intérieure d'Orvud, nord du Mur Sina, 1er décembre 851

Dans un troisième district, Marion et Livaï étaient assis dans leur troisième salle d'attente, appartenant au troisième hôpital qu'ils visitaient. Ils avaient beau être partis dès le vingt-et-un novembre, les psychiatres qui les avaient rencontrés n'avaient rien valu.

Le premier avait seulement parlé de médicaments au moment où elle avait évoqué sa relation avec Leah. Si elle n'avait pas osé relever, lui avait mis les choses au clair... Ce qui n'avait manifestement pas plu. Ils étaient donc partis pour Stohess, où on les avait jetés car « la clinique n'avait plus de place ». Puisqu'il n'y en avait par à Yarckel, celle-ci était leur dernière chance.

Mais cela n'étonnait pas beaucoup le caporal-chef. La psychiatrie se trouvait entre le tabou et le soin de luxe : ironique, lorsque les plus pauvres étaient bien ceux qui souffraient le plus. Il y en avait bien deux qui avaient ouvert dans le mur Rose, suite à une initiative jusque-là peu enthousiaste du nouveau gouvernement, mais on ne pouvait pas faire plus dépravé.

Or, la santé mentale de la chercheuse était presque aussi importante que sa condition physique. Ils le savaient d'autant plus qu'ils avaient vu comment son état pouvait tourner si elle n'était pas soignée. Seulement, ils ne pouvaient pas parler de son futur alter-ego à n'importe-qui... Surtout si la personne en face n'était intéressée que par l'argent ou la purge des personnes qu'elle considérait déviantes.

Il croisa les bras. Ils se trouvaient dans une pièce étrangement carrée, coincée dans l'une des deux ailes de la maison de santé. La pierre des murs était blanche ; le tapis qui reposait sur le sol de pierre, inutile ; les chaises de bois sur lesquelles ils étaient assis, particulièrement inconfortables. Mais au moins cet établissement-là respectait la notion d'hygiène. Et heureusement, s'ils accueillent des troufions qui bouffent du fric à chaque dessert.

Il jeta un œil à la scientifique. Si son visage rond n'avait reflété que de l'angoisse avant son premier entretien, il était désormais parfaitement blasé. En réalité, c'était la première fois depuis deux semaines qu'il discernait ses tâches de rousseur... Ou plutôt, qu'il pouvait voir l'entièreté de sa face, auparavant dissimulée derrière ses mèches affolées.

Il n'avait pas de problème avec ses cheveux. Enfin quoi, ils étaient châtains, rien de bien grave. Un peu emmêlés sur les bords, peut-être. Et affreusement secs aux pointes – il fallait absolument qu'elle les coupe, avant qu'il ne se décide à l'assommer pour le faire lui-même. Bon, en réalité, il y avait pas mal de souci dans sa tignasse, mais cela importait peu, puisque la conclusion était la même : sa tronche dégagée, c'était une vue un peu moins désagréable qu'un mur déchaîné de crins qui n'avait rien à envier à ceux de Bartholo.

Il ne remarqua que maintenant qu'elle le fixait en retour, et qu'au milieu de toute la fatigue dans laquelle baignait ses prunelles vertes pointait une légère curiosité. Il resta silencieux un moment. « Oui, Livaï ? » finit-elle par dire, sourcils froncés. Au bout d'un temps interminable, la porte en face d'eux s'ouvrit, et il put sauter sur l'occasion de poser son regard dessus.

Il était sauvé, pour une fois. Après l'histoire de la purée et celle de leur dialogue avant la perte de sa prémolaire... Non, ça, il ne voulait même pas y penser. Il avait beau être psychologiquement solide, tout le monde avait ses limites.

« Marion Griffonds. » L'intéressée se leva dans un geste déjà épuisé. Il l'imita avec un peu moins de démotivation. C'était un grand dadais aux cheveux crépus qui les avait appelés. Il devait faire près de deux mètres : une merveille pour eux. « Je suis le docteur Andrey Danilin », dit-il. Il leur serra la main, et les invita à entrer.

ᴏʀɪɢɪɴᴇꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ³⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant