Kenny : behind the scenes - Partie 4

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Las Vegas, Nevada, 25 juin 2001

Ici reposait Kenny, assis au fond de la salle étroite à la dizaine de chaises et à l'atmosphère étouffante. Les murs blancs sans fenêtres contenaient bien onze personnes. Des grands, des petits, des fins et des grassouillets, deux ou trois barbus. Ils avaient un point commun : ils faisaient de la recherche, et étaient tous tournés vers le tableau noir.

Devant celui-ci se tenait une Marion à l'air bien plus assuré que vingt minutes auparavant. Elle continuait toutefois de remonter ses lunettes rouges, de triturer son t-shirt sobrement noir, de jouer avec la boucle de la ceinture qui tenait son jean délavé. Kenny avait bien vu, durant le long trajet de la veille, qu'elle était angoissée à en crever, mais il n'avait pas trouvé grand-chose à lui dire. Un « bonne chance » tout au plus.

Il s'était perdu depuis ces phrases : « Voyager dans le temps implique de manipuler un duo de particules aux mêmes propriétés intrinsèques. Or, on ne peut pas prévoir leur comportement, puisqu'il se scinderait en une infinité de situations, qui résulteraient en autant de lignes d'univers. Pour les transferts, j'ai toutefois pris le risque de simplifier la chose, en isolant deux possibilités : la particule dégénère ; la particule ne dégénère pas. Il y a un autre couple, « le transfert réussit » ou « le transfert échoue », mais dans le principe, cela revient au même. Je voudrais ici m'attarder sur le scindement d'une ligne d'univers en plusieurs branches. »

Un homme était intervenu : « Vous impliquez qu'une infinité d'univers se crée à chaque instant ? C'est une absurdité ! » Là, elle avait baissé le bras, pour le gratifier d'un regard sévère. « La nature ne se préoccupe pas des capacités du cerveau humain. » Fin du débat.

Désormais, des flèches similaires à celles qu'il avait vues l'avant-veille recouvraient la moitié de l'ardoise, l'autre contenant principalement des équations et autres schémas. Cette fois-ci, elle les avait faits en plus grand, mais son écriture était toujours à chier. Il se mit à la détailler, à la détailler encore, mais rien n'y fit : ses putains d'yeux verts flottaient encore à trois centimètres des siens.

« ... Chaque transfert spatio-temporel impliquerait l'apparition de nouvelles lignes d'univers. La probabilité que la particule soit dans un état ou un autre n'aurait pas d'influence là-dessus ; elles existeraient dans tous les cas. Ce jeu de hasard ne jouerait que sur nous... C'est-à-dire qu'on manquerait sacrément de bol si on vivait l'explosion de la machine. Voilà pour la théorie. » Elle posa les mains sur le bureau devant elle. « Passons aux détails techniques... »

Et cette fois-ci, le jeune homme ne comprit rien de rien. En fait, il n'entendit même pas : il était trop occupé à béer devant le tas de variables que sa camarade débita en cinq minutes chrono. Puis, elle posa sa craie, et attendit des interrogations qui ne vinrent pas.

D'après Rebecca, c'était le meilleur scénario possible. Pas de question voulait souvent dire que tout avait été clair et convainquant. Et puis, l'assistance avait entamé des débats avec l'adolescente, qui l'avaient amenée à corriger quelques détails ou à affirmer un peu plus sa propre thèse. En bref, il y avait eu échange, et il avait été constructif. Tout est bien qui finit bien.

La jeune fille quitta donc son poste pour retrouver sa chaise coincée entre Kenny et sa collègue. Les yeux bruns de cette dernière brillaient de contentement. Elle l'accueillit avec un grand sourire, que la plus jeune lui rendit avec joie. Il eut tout juste le temps de voir la première prendre la main de la seconde avant qu'elle ne s'assoie.

L'homme qui avait protesté un quart d'heure plus tôt se leva à son tour. Il était petit, carré, légèrement bedonnant. « Nous allons passer au sujet suivant... » Il parut ensuite attendre quelque chose ; ce fut au bout de longues secondes que la curiosité piqua la bulle fleurie qui avait enveloppé la sergente.

ᴏʀɪɢɪɴᴇꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ³⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant