ᴏʀɪɢɪɴᴇꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ³⌟

La Trinité Poitevine - Partie 6

Capitole des Etats-Unis, Washington DC, 12 septembre 2019

Orrin Hatch tapota nerveusement la surface cirée de son vaste bureau. Ses petits yeux sombres rebondirent sur les quelques piles de dossier rangées dans un coin, pour observer distraitement la pièce dans laquelle il se trouvait.

Murs blancs, riches bibliothèques, un ou deux tableaux, un plancher sombre et reluisant. Il aurait aimé pouvoir tirer un peu de satisfaction quant à la propreté et le chic de son cabinet, mais la nuée de pensées qui parasitait son esprit en avait décidé autrement. Cela faisait bien un an maintenant qu'il ne parvenait plus à dormir sur ses deux oreilles.

16 mai 2019. Les attentats de Bruxelles avaient eu raison du général de l'United States Air Force, David L. Goldfein. Sa mort leur avait mis un sacré coup – notamment au peuple états-unien, mais aussi, et surtout, aux quelques personnes impliquées dans les affaires de l'armée américaine.

Depuis le décès de son supérieur, Stephen W. Wilson, son bras droit, avait pris la relève. En somme, ils étaient une poignée à être au courant de leur conquête du monde du quarante-et-unième siècle.

Hatch, quant à lui, était le président pro tempere du Sénat, qui faisait partie de la branche législative du gouvernement des États-Unis. Bien sûr, ils côtoyaient la Chambre des Représentants, mais celle-ci avait moins de pouvoir sur l'organisation de l'économie américaine. C'était le premier qui avait la main mise dessus...

Et cela tombait à pic, puisque les deux hommes allaient se rencontrer pour parler du budget de l'Air Force.

Normalement, c'était Mike Pence, le vice-président des USA, qui aurait dû être à sa place, mais il avait affaire ailleurs. Pour une fois, l'autre allait donc pouvoir faire autre chose que de renvoyer chier les pauvres petites américaines qui clamaient avoir été victimes de viols. C'était amusant au début, mais leur ténacité commençait à lui taper sur les nerfs.

En réalité, que l'un ou l'autre se tienne à sa place n'avait pas vraiment d'importance : leur discussion allait être totalement officieuse. Normalement, ni Hatch, ni Pence n'avaient de réels pouvoirs sur le Sénat... Un tel entretien, s'il était dévoilé au grand public, aurait certainement remué les foules, qui avaient déjà été assez bien agitées comme ça.

S'il restait beaucoup de pro-Trump dans le tas, l'autre moitié était particulièrement en colère face aux mesures prises par le nouveau gouvernement. Heureusement – et c'était le seul point positif qui ressortait de cette histoire, le 16 mai les avait rassemblés, et les manifestations s'étaient calmées. Il ne leur restait plus qu'à continuer à graisser la patte de quelques patrons républicains, et la situation s'arrangerait d'autant plus.

Après tout, les américains, en termes de grèves, n'étaient pas au même niveau que les français – qui, d'ailleurs, se déchaînaient depuis l'élection de Marine Le Pen. Dommage pour elle, mais de leur côté, ils n'avaient plus grand-chose à craindre. Et puis, que la France soit en difficulté n'était pas vraiment une mauvaise chose dans le contexte actuel. Cela réduisait drastiquement les chances qu'ils découvrent ce que l'armée américaine organisait.

Treize heures dix. Il a oublié le sens de la ponctualité ? Il passa une main dans ses cheveux fins, et tenta de regretter leur couleur blanche et la calvitie dont ils souffraient. Mais cela n'empêcha pas chaque seconde qui battait à ses tempes de lui rappeler un peu plus de souvenirs de la pire année de ce pays.

13 septembre 2018, deux transferts spatio-temporels détectés à Iekaterinbourg. 10 décembre 2018, deux autres encore... 24 janvier 2019, un de plus, de même le 14 et le 15 mai. Le 16 mai, bien évidemment, sonna la mort de David L. Goldfein et d'une dizaine de ses subordonnés.