Chapitre 15-2 : Trace

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Je rouvris les yeux, prenant une très grande respiration. J'avais l'impression de m'être noyée. Je haletai, le front en sueur. Qu'est-ce que je venais de voir ? Un souvenir ? Impossible. C'était un rêve. Où plutôt, un cauchemar. J'avais tué tous ces gens ! J'avais assassiné tous ces gens !

Ce qui restait surtout gravé dans ma mémoire, c'était le visage effrayé de Lucy. Elle me regardait comme un monstre. Ce que j'étais. Une Mutante, quoi qu'en dise mon père. Les mains sur les genoux, je tentai tant bien que mal de récupérer une respiration normale. Et par la même occasion d'effacer les images qui défilaient devant mes yeux.

– Amy ? m'appela-t-on.

Je relevai la tête, surprise.

– Qu'attends-tu ? me demanda Miller.

– Je... rien. J'ai mal à la tête, je vais arrêter pour aujourd'hui, déclarai-je.

– Déjà ? s'étonna mon professeur particulier. Il nous reste plein de choses à travailler !

– Je n'arriverai à rien dans cet état, expliquai-je. Pardon, mais je vais rentrer.

J'enlevai rapidement le baudrier, et me dépêchai de retourner à ma place. Récupérant Caligo et ma besace, je fis un rapide salut aux amoureux et filai. Je remontai rapidement les couloirs, pressée de pouvoir retourner dans ma chambre. Après de nombreuses minutes, je me rendis compte d'un petit problème. Je m'étais trompée de chemin.

– Fais chier ! jurai-je.

J'étais tellement à cran et choquée que je n'arrivais plus à réfléchir. Déjà que mon sens de l'orientation n'était pas fameux, alors avec ça je n'arriverai jamais à sortir. Un cri retentit au loin, et je reconnus celui de Rubis. L'ababil vola vers moi, et se posa sur mon bras.

– Je me suis perdue. Tu peux m'indiquer la sortie ? lui demandai-je avec soulagement.

L'oiseau ne se fit pas prier et me montra le chemin. Depuis la découverte des immenses cages dans le sous-sol, nous n'avions pas eu le temps de chercher autre chose. Les cours et les entraînements complétaient tous nos jours, sans nous laisser un peu de temps libre. Avec le dodo que j'avais eu dimanche et l'anniversaire de Jay, je ne pouvais pas me permettre d'avoir plus de retard.

Je remontais rapidement l'échelle, toujours aussi peu rassurée par les araignées autour de moi. Rester dans la grotte m'aidait à combattre ma phobie, mais je devais souvent m'arrêter et me calmer. Le soleil était presque entièrement couché quand j'émergeais de l'arbre. Je lançai la corde, et descendis en vitesse. Il allait falloir que je rembourse Miller pour tout le matériel, il coûtait vraiment cher. Même si celui-ci ne se plaignait pas, je ne voulais pas user de toutes ses économies.

Je retournais rapidement dans ma chambre, sans croiser le regard des autres filles. La trouille devait carrément se lire sur mon faciès. Je fermai brusquement la porte, et pu enfin relâcher la tension accumulée dans mes épaules. La vision de Lucy revint devant moi, et je ne connaissais qu'un seul moyen de l'évacuer. Saisissant un fusain, je griffonnai sur la feuille à toute vitesse.

Je me concentrai sur le dessin, oubliant tout autour. Bien que j'étais consciente que je dessinais son visage effrayé, je n'éprouvais pas de sentiment. J'étais juste concentrée, appliquée à ma tâche. Une quinzaine de minutes plus tard, ce qui me frappa le plus fut ses yeux. Eux d'habitude si enjoués et plissés, ils semblaient tomber de son visage.

La façon dont je l'avais dessiné était encore plus effrayante. De rage, mais tout en tremblant, je déchirai brusquement le dessin. Je mis les lambeaux dans la poubelle, et me laissai tomber sur le lit. Mes ailes « râlaient », elles n'avaient pas eu leur cota de défouloir pour aujourd'hui. Fermant le rideau devant ma fenêtre, je les laissai se déployer. Puisque ne rien faire n'allait que me nuire, je décidai de me pencher sur mes cours. Je travaillai toute la soirée, me couchant dans mon lit déjà ensommeillée.

Mutante - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant