ZOÉ, assise par terre, le dos contre la porte, observe ses camarades d'infortune et plus particulièrement la jeune asiatique, qui évite consciencieusement son regard et qu'elle a traîné dans sa mésaventure. Cette dernière tente désespéramment de se cacher derrière sa frange un peu trop longue, son visage pâle encadré de mèches brunes. Courbée en deux, elle semble au désespoir, mais Zoé n'en peut plus, de lui présenter des excuses.
En face, adossée contre le mur, le dos droit, une autre élève le nez plongé dans son cahier. Ses cheveux, retenus dans de fines tresses, sont regroupées sur le dessus de sa tête. Elle fronce les sourcils, ce qui accentue la dureté de son visage et lui donne un air intraitable, ce que Zoé note et respecte.
Ce qu'elle respecte moins, par contre, c'est la directrice, qui débarque sur ces entre-faits, le visage fermé comme à son habitude. Derrière elle, Amélie. Si Zoé est surprise de voir miss Parfaite les rejoindre, elle veille à n'en laisser rien paraître. Elle déteste Amélie, la déteste encore plus qu'elle ne la trouve magnifique, avec son teint de porcelaine et ses longs cheveux cascadant jusqu'à sa poitrine. Une véritable poupée, qui aurait plus sa place dans un musée que dans une école.
Un musée des horreurs, se dit Zoé, sans pourtant en penser un mot.
Lentement, elle se relève, sous le regard impénétrable de Mordant. Elle se redresse et, fière, lui rend son regard. Cette dernière se contente de détourner la tête, toisant tour à tour les quatre jeunes femmes. En retrait, Brunet, dont la présence ne laisse rien présager de bon. Si Zoé n'a pas grand chose contre l'enseignante, elle se méfie tout de même ; la rumeur court qu'elle peut se montrer particulièrement retorse.
– Jeunes filles, je vous laisse sous la charge de madame Brunet pour ce soir. Elle prendra soin de vous jusqu'à la fin de votre colle. J'espère que ceci vous donnera matière à penser et que vous ne réitérerez pas ce qui vous a conduit ici.
Sa voix, dénuée de toute expression, fait froid dans le dos de Zoé. Surtout la manière dont elle prononce les derniers mots. Elle le sait, elle est sur la corde raide ; une autre bêtise et elle sera probablement renvoyée. Les autres sont certainement dans le même cas. Discrètement, elle regarde Amélie, tente de comprendre ce qu'elle fait ici. Elle qui, d'ordinaire, respecte scrupuleusement le règlement. Enfin, d'après les souvenirs que garde Zoé de leur ancienne amitié.
Sagement, elles suivent leur professeure, jusqu'à sa salle de cours. Brunet rejoint son bureau et laisse ses étudiantes, abasourdies, sur le pas de la porte. Ce n'est qu'après s'être confortablement installée, qu'elle pointe le fond de la classe de la pointe de son stylo. Zoé aperçoit alors le monticule de bassines sales, réparties sur les plans de travail.
– La directrice Mordant m'a demandée de vous mettre au travail, de trouver de quoi vous rendrez utile.
Et elle commence à travailler, sans un mot de plus, sans une explication.
Après un instant de flottement, l'élève aux cheveux tressés prend le lead, se dirigeant vers leur corvée. Zoé l'imite, bien vite suivie par les deux autres. Elle jette un coup d'œil à Brunet, qui ne leur accorde plus aucune attention, puis reporte son attention sur ses camarades. Elle se plante à côté de leur cheffe autoproclamée, qui a entreprit de mettre la première bassine dans l'évier. Elle la récupère ensuite et entreprend de la récurer, pendant qu'Amélie, de l'autre côté, s'occupe d'une autre.
– Vu qu'on va passer toute la soirée ensemble, on devrait peut-être se présenter ? demande cette dernière. Moi, c'est Amélie.
Aucune réponse pendant quelques secondes et Zoé en éprouve un plaisir malsain.
– Mia, finit pourtant par lui répondre miss coupe au carré.
– Irina.
Tous les regards se braquent sur Zoé, qui hésite à les ignorer. Mais elle a beau avoir un sale, elle sait quand s'incliner. Elle n'est peut-être pas là pour se faire des amies, mais pas non plus des ennemies.
– Et moi, Zoé.
Elle coule un regard en direction d'Amélie, qui ne fait pas mine de la reconnaître. Même si elles n'ont jamais été les meilleures amies du monde, elles se parlaient quand même, avant. Mais elle est là, la nuance, c'était avant. Depuis, tout a changé et l'inimitié de Zoé pour la blonde n'a fait que croître au fil des années. Elle pousse un soupir, avant de repasser sa bassine à Irina, qui se charge de la rincer puis de la tendre à Mia, pour qu'elle l'essuie.
Après quelques instants de tâtonnement, l'aisance et la fluidité qu'elles finissent par trouver étonne Zoé.
– Vous avez fait quoi pour atterrir ici ? chuchote Zoé.
Elle n'a pas particulièrement envie de bavarder, se montre juste curieuse. Elle s'abstient pourtant de regarder Mia, pour ne pas y lire rancune et réprobation.
– Moi, dégradation de matériel, commence-t-elle d'une voix narquoise.
– Et moi, mauvais endroit au mauvais moment, intervient Mia.
Ce n'est pas faute d'avoir plaidé sa cause, mais plus Zoé se démenait pour faire comprendre que l'autre jeune fille n'était pour rien dans cette histoire, plus Mordant était convaincue du contraire.
– J'me suis battue, répond Irina avec un haussement d'épaules.
– T'aurais pas dû être renvoyée ?
– Si. Mais j'ai pas utilisé la magie, alors j'imagine que ça amoindrit les choses.
Comme démonstration, elle lève le poing, puis le laisse retomber le long de son corps.
Il ne reste plus qu'Amélie, qui fait profil bas, oubliant momentanément qu'il lui suffit d'exister pour être la cible de toutes les attentions.
– Et toi ? insiste Zoé.
La blonde hausse les épaules, avant de lâcher, dans un soupir :
– Vol.
Tous les regards convergent vers elle.
– De quoi ?
– Rien d'important.
– Tu serais...
– Un peu de silence, les filles.
Brunet cogne son bureau et toutes les bouches se ferment. Mais Zoé note l'information dans sa tête, bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire.

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Collées
Teen FictionZoé a tagué, Mia était là, Irina s'est battue, et Amélie a volé. Quatre histoires différentes, qui se mêlent et se recoupent jusqu'à n'en former plus qu'une en cette fraîche soirée aux relents de magie.