(racisme, harcèlement)
IRINA pousse un soupir en refermant son livre. Cette journée s'annonce épuisante, bien qu'enrichissante. Elle n'a pas de temps à perdre et, une fois encore, ne peut se permettre de perdre du temps à déjeuner. C'est la dernière ligne droite,elle n'a pas le droit à l'erreur. Après tout, qui la prendra au sérieux si elle échoue ? Ça fait longtemps qu'elle le sait, elle doit encore plus se démener que la majorité des autres élèves et elle s'y est faite, quand bien même elle trouve la situation injuste.
– Hé, le gorille, tu vas où comme ça ?
Le rire qui retentit est aiguë, grinçant, et Irina se dit, pour la énième fois, que c'est ce bruit qu'elle entendra en boucle dans son enfer. Un regard en arrière lui apprend que la tortionnaire de service a trouvé son bouc émissaire attitré et préféré : Alexine, fraîchement débarquée de Martinique. Elle ne sait pas où donner de la tête, son regard voltigeant de visage en visage en quête de soutien.
Quand on est noire, dans une école presque exclusivement peuplées de blancs, on est obligés de faire un choix. Soit jouer la carte de l'agressivité et envoyer chier les racistes et autres harceleurs, en leur prouvant qu'on est plus forts, quitte à passer pour un cliché. Soit se faire petit et prier pour qu'on nous oublie. Irina a fait mon choix. Alexine aussi, visiblement.
Irina se détourne, prête à reprendre son chemin et maudissant déjà le temps qu'elle a perdu, quand un nouveau rire vient torturer ses oreilles. Elle sait qu'elle devrait continuer sa route, ne pas se laisser distraire. Pourtant, elle tente un nouveau coup d'œil. Claire, flanquée de ce type qui la suit comme son ombre et se targue d'être son chevalier servant, empêche Alexine d'avancer. Elle se décale dès que l'autre tente de l'éviter et rigole devant son air perdu et décontenancé. Mais c'est bientôt le désespoir qui vient se peindre sur le visage d'Alexine.
– Le coin des esclaves, c'est pas ici.
Irina bouge avant même d'en avoir conscience. Claire aurait pu tout dire, Irina aurait probablement laissé passer. C'est déjà suffisamment dur de se frayer sa place, elle ne peut pas prendre en charge quelqu'un d'autre. Mais là, c'est trop. Elle a dépassé les limites. Son rire échauffe le sang du boulet de canon qui se précipite vers elle, abandonnant ses amis. Les badauds s'écartent respectueusement ; ils ne veulent pas être pris entre deux feux.
– T'as dit quoi, connasse ? crache Irina.
– Décale, c'est à face de macaque que j'parle.
– J't'ai demandé c'que t'avais dit.
– Laisse tomber, Irina, intervient le chevalier servant.
– Quoi ? La petite blanche se cache derrière son protecteur ?
– C'est raciste, ça.
– J'vais t'en foutre du racisme.
Son poing jaillit avant même qu'elle n'en ai eu conscience. Ses doigts s'écrasent sur la joue d'une Claire bien trop surprise pour riposter. Elle accule son ennemie contre le mur et arme le bras pour un nouvel assaut, quiconque n'ayant envisagé de les séparer. Elle aurait pu la tuer. Elle aurait voulu la tuer. Ce n'était certainement pas les méthodes qui manquaient. Et rien n'aurait pu l'empêcher d'aller jusqu'au bout, pas même ce professeur désœuvré qui tente tant bien que mal de se faire entendre ; rien à part cette voix, acérée et brutale.
– Ça suffit, mademoiselle Lédée. Venez dans mon bureau. Immédiatement
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Collées
أدب المراهقينZoé a tagué, Mia était là, Irina s'est battue, et Amélie a volé. Quatre histoires différentes, qui se mêlent et se recoupent jusqu'à n'en former plus qu'une en cette fraîche soirée aux relents de magie.