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IRINA n'a jamais été aussi impatiente d'en finir avec tout ça. Quand Mia se décide à leur apporter son aide, elle a beau protester pour la forme, elle ne peut s'empêcher d'en être reconnaissante. Contrairement à Zoé qui,sans surprise, ne daigne pas lever la main pour participer. Si l'adolescente se dit que c'est mieux pour sa cadette, elle reste quand même sceptique. Parce qu'elle ne se plaindrait pas d'une paire de mains supplémentaires.

Leur pile diminue néanmoins à vue d'œil et la jeune fille en vient à se demander s'il n'y aurait pas un moyen d'accélérer la cadence. Probablement un sortilège ou deux ; elle sait qu'un rapide tour dans son livre lui rendrait service. Comme elle sait très bien que si Brunet se rend compte de la supercherie, elle prolongera probablement leur peine. A l'heure actuelle, personne n'a jamais réussi à éviter de dépôt de résidus de magie, qui laissent des traces invisibles mais facilement perceptible pour qui se donne un minimum d'effort. Brunet leur rappelle constamment de ne pas utiliser de magie pendant son cours, ou alors le moins possible — elle a trop peur qu'on imprègne les futures potions. Qui sait ce que ça pourrait donner.

Elle abandonne instantanément l'idée. Tant pis. A vue d'œil, elle estime qu'elles n'en ont de toute manière plus pour très longtemps.

– En tout cas, ça a l'air d'aller mieux, lâche Amélie.

Elle prononce cette phrase sans lever les yeux, se concentrant toujours sur sa tâche ; l'ambiguïté est telle qu'Irina ne comprend pas bien à qui s'adresse l'affirmation. Et, au silence qui s'installe, elle imagine n'être pas la seule.

Le moment, rendu d'autant plus gênant qu'Amélie ne semble se rencontre de rien, s'étire pendant de longues et interminables secondes. Après un coup d'œil en direction de ses camarades, la brune décide de prendre la parole.

– Ouais, moi ça va.

Son visage reste sérieux, presque impassible, alors que les autres étudiantes arborent un mince sourire.

– Pas toi ! C'est à Zoé que je parlais.

La réplique de la blonde a le mérite de lever le mystère, même si Irina ne peut s'empêcher une petite piqûre de vexation. Elle se doutait bien que ça ne lui était pas adressée, se dit que ça aurait pu l'être pourtant. Mais elle a beau apprécier Amélie maintenant, elle sait que cette dernière ne pourra jamais la comprendre vraiment. Parce que tout semble lui sourire, quand pour la brune, la vie est un combat perpétuel au sein duquel elle ne peut prendre aucune pause. Parce que si elle s'arrête, ne serait-ce que quelques secondes, elle est finie. Pour de bon.

Au lieu de dire tout ça, elle préfère se taire, ne s'autorisant qu'à lever brièvement les yeux au ciel. Elle a beau ne pas avoir sa langue dans sa poche, ce n'est pas dans ses habitudes de provoquer une esclandre. Elle ne le fait qu'en cas de dernier recours ou quand son sang bout trop dans ses veines pour qu'elle l'oublie.

– Ouais, ça va, répond Zoé, inconsciente du drame intérieur qui se joue chez sa camarade. Et toi Mia ?

– Ça va.

Elles se renvoient la balle avec un naturel désarmant, qui les fait sourire toutes les deux, sous le regard désintéressé d'Irina.

– Tant mieux, reprend la blonde. T'avais pas l'air dans ton assiette tout à l'heure.

– Ça va j'te dis, rétorque la rouquine.

Elle retrouve son agressivité coutumière et pendant quelques secondes, Irina craint qu'Amélie ne surenchérisse, réveillant la tempête qui s'est trop longtemps jouée entre les deux. Elle soupire, prête à élever la voix une nouvelle fois pour calmer les tensions — pourtant, loin de rétorquer, la blonde se contente d'en rire. Avec gêne, certes, mais d'en rire quand même.

D'un claquement de langue, Irina rappelle ses camarades à l'ordre.

– Au travail, les filles, les champignons vont pas se couper tous seuls.

Son ton est sans appel, son froncement de sourcil terrifiant.

– Excuse-nous, répond Zoé, t'es la remplaçante de Brunet maintenant ?

– Ouais, c'est moi qui suis en charge quand elle est pas là.

– J'ai toujours su que vous aviez un air de ressemblance.

Le sourire de Zoé éclaire son visage — et Irina décrète que, si elle est capable de lancer des vacheries, c'est qu'elle ne doit pas aller si mal que ça. Telle est sa conclusion, ferme et définitive.

Ça n'incite pourtant pas la rouquine a les aider. Les mains nouées sur son ventre, elle les observe travailler, son regard passant de l'une à l'autre à un rythme presque musical.

Irina ravale les mots durs qui essaient de se frayer un chemin sur le bout de sa langue, se contente de prendre son mal en patience. Sans plus accorder un regard à sa camarade tire-au-flanc, elle se contente de guetter le petit tas, qui s'amoindrit sous ses mains expertes. Le travail, répétitif et ennuyeux, l'empêche de réfléchir ; elle effectue les mouvement sans interruption, comme par automatisme. Ses yeux baissés scrutent les différents champignons passant sous son couteau, au point de totalement occulter tous les bruits extérieurs.

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Ouais, deux chapitres en moins de 24h, parce que j'ai vu seulement hier que le chapitre de mercredi s'était mis dans les brouillons....

ColléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant