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ZOÉ parvient très difficilement à contenir son envie de sauter à la gorge de leur enseignante. Elle veut faire disparaître cet air dédaigneux de son visage, ses lèvres pincées et ses yeux plissés par le doute. La jeune fille a l'habitude d'être prise de haut ; après tout, elle a grandi comme une simple humaine. Adoptée bébé, elle a très vite su pour son statut d'orpheline, ce qui dès le départ a créé une barrière entre ses camarades et elle. Le milieu loin d'être favorisé où elle a grandi et la précarité qui est tombé sur ses parents adoptifs quand le père a perdu son travail n'a rien fait pour l'aider à s'intégrer. Puis elle a appris qu'elle était une sorcière et elle a été arrachée à sa famille, à sa ville, à sa vie. Pour se retrouver propulsée dans cet univers auquel elle ne comprenait rien. Très vite, les enfants d'ici se sont aussi mis à la rejeter. Très vite, elle a vu apparaître le mépris et le sentiment de supériorité sur leurs visages. Et très vite, Zoé s'est mise à les détester. Tous, avec de très rares exceptions. Mais Brunet n'en a jamais été une, d'exception.

– Rangez vos affaires et filez, grogne cette dernière.
Sans attendre, la rouquine se lève de son siège pour récupérer ses affaires. Elle laisse ses camarades se charger de remettre les chaises à leur place et se contente de rejoindre le couloir, passant à côté de l'enseignante qui fait le pied de grue à l'entrée de la pièce.

– Bonne nuit, mademoiselle Maybon.

– Ouais, c'est ça, bonne nuit.

– Pardon ?

– Bonne nuit, madame.

Et elle s'en va, sans demander son reste. Pendant un instant, elle envisage de fuir jusqu'à son dortoir, mais finit néanmoins par s'arrêter dans le hall d'entrée pour attendre ses camarades. Elle pourrait très bien partir, mais elle trouve ça injuste ; il faut qu'elle leur dise au revoir, tout de même. Elle n'est pas un modèle de politesse, pourtant, elle le sait, mais pour une fois, elle peut bien faire un effort.
Alors, appuyée contre le mur, elle attend.

La première à débarquer est Mia, dont le visage s'illumine quand elle la voit. Et instantanément, Zoé décrète qu'elle a fait le bon choix, à tous les points de vu. L'adolescente la rejoint en trottinant, pas trop vite ni trop lentement et la rouquine masque un sourire derrière sa main.

C'est ensuite au tour d'Irina et Amélie de les rejoindre.

– Elle m'agace avec ses "mademoiselle". C'est dépassé, elle sait pas qu'on dit madame, maintenant ? On est une femme sans avoir besoin de se marier à un vieux mec pour le devenir.

Irina parle fort, levant les yeux au ciel d'exaspération. Cette fois, Zoé ne cache pas son sourire.

– Je te savais pas si féministe.

– Y a pleins de choses que tu sais pas sur moi.

– Ouais, espérons que j'les découvre jamais, hein ?

Et malgré sa remarque narquoise, malgré son ricanement, les deux jeunes filles se sourient. Au fond, Zoé sait que sa camarade n'a pas tort. Elle n'a jamais particulièrement approfondi sa conscience féministe, malgré l'insistance d'Alexis, une de ses meilleures amies. Enfin, meilleures amies est un bien grand mot. Disons qu'elles passent beaucoup de temps ensemble et qu'elles s'apprécient suffisamment pour vouloir continuer.

Zoé se décolle de son mur avec un soupir, prend le temps de s'étirer de tout son long.

– On rentre ensemble ? demande Amélie.

– Non merci, répond Zoé.

Elle lui adresse son plus beau doigt d'honneur, avant de tourner les talons et de pousser la porte d'entrée.

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On commence à entrevoir la fin ! 
Ce chapitre conclue le point de vue de Zoé, c'est pour ça qu'il est encore plus court que les autres 
Have fun ♥

ColléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant