00:00

101 10 5
                                    

AMÉLIE non plus, ne pensait pas que Zoé les attendrait. Pourtant, quand elle l'aperçoit, à côté de la porte, elle ne peut s'empêcher d'être touchée. Pendant quelques secondes, elle pense que c'est elle que la rouquine attend ; mais elle sait bien qu'elle se trompe. Surtout quand elle voit les deux adolescentes se retrouver, se rapprocher.

Elles sont si différentes, pourtant leur rencontre apparaît presque comme une évidence. Et la blonde est contente pour elles ; mais en même temps, elle ne parvient toujours pas à taire la pointe de jalousie dans sa poitrine. Elle aimerait vivre ça, elle aussi. Mais est-ce qu'elle y a droit, même ?

– A plus les nulles, je prie pour ne jamais vous revoir.

Amélie regarde la porte se refermer, interdite. Une poignée de secondes avant qu'elle reprenne contenance, agitant la tête puis incitant Mia à suivre la jeune fille. Elle se dit que c'est sa bonne action du jour, qu'elle peut bien les aider. Qu'en étant active de leur relation, elle réussira à taire son envie. Et qu'elle pourra laisser partir Zoé, quand bien même elle vient à peine de la retrouver.

Après un instant de flottement, elle finit par sortir, accompagnée par Irina. Toutes deux s'arrêtent pour traîner devant la porte, se faisant face. Irina lui indique la direction de son dortoir et Amélie hoche la tête. Leurs chemins se séparent ici, mais se retrouveront bien vite, n'est-ce pas ? Pour la colle de la semaine prochaine, certes. Mais pas que... si ?

Ayant peur de manquer de temps, la blonde lui adresse ses plus sincères remerciements. Elle encaisse les conseils, doutant de sa capacité à les suivre. Elle sait que ce serait plus sage, mais... aller voir une psy ? Elle ? Elle n'est pas malade, pourtant. Elle a peur d'être malade. Mais peut-être que... peut-être qu'elle pourrait essayer. Pour voir.

– Je... merci.

C'est tout ce qu'elle arrive à dire.

– Merci à toi aussi, ajoute son interlocutrice.

Elle fronce les sourcils, ne comprenant pas où sa camarade veut en venir. Elle n'a rien fait de particulier, ce soir, s'est cantonnée à recevoir, plutôt que donner.

– Pourquoi ?

Irina hausse les épaules, mais finit par céder devant le regard interrogateur de la blonde.

– T'en as peut-être pas conscience, mais tu m'as aidée aussi.

– Ah bon ?

– Ouais. Peut-être que je te raconterai un jour.

– Oh...

Elle ne s'y attendait pas. Et maintenant, elle veut savoir ; adolescente dominée par la curiosité. Mais elle sait qu'avec Irina, il lui faudra prendre son mal en patience.

– Bah... de rien, alors ? Tu peux compter sur moi si t'as besoin de quoique ce soit, tu sais...

– Je sais.

Pourtant la lueur de soulagement dans le regard de la brune prouve plutôt le contraire. Elles se sourient, une dernière fois.

– Bon allez, faut qu'on aille dormir, j'suis crevée. Bonne nuit, Amélie.

– Bonne nuit, Irina. A la semaine prochaine.

– Ouais, ou avant.

Et elles se détournent pour s'éloigner — mais Amélie se fige instantanément, le regard fixé sur les silhouettes non loin.

– Oh !

L'exclamation est brusque, brutale.

– Elles s'embrassent ! J'le savais !

Pour seule réponse, Irina lâche un petit rire. Amélie l'entend s'éloigner, mais ne parvient pas à l'imiter, à esquisser le moindre pas. Zoé et Mia s'embrassent toujours, collées l'une contre l'autre. Elle s'y attendait, et pourtant...

C'est quand elle aperçoit le bras toujours levé de Zoé qu'elle éclate finalement de rire. Rien de moins prévisible. A l'instar de John Bender dans Breakfast Club, elle brandit le poing parce qu'elle a réussi à séduire Mia. L'ironie, c'est qu'Amélie pensait que des quatre, c'est elle qui aurait fait la meilleure Claire Standish, la fille à papa qui se met en couple avec John.

Drôle, n'est-ce pas ?

Son rire devient ricanement, la voix empreinte d'une nostalgie dont elle-même ne se serait jamais crue capable. La fraîcheur nocturne comme seule témoin de ses sentiments, elle s'attelle enfin à regagner son dortoir.

ColléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant