MIA ne peut s'empêcher de sourire, en entendant le rire de sa camarade. Elle se sent brusquement revigorée, malgré ses membres encore ankylosées et ses tremblements ponctuels. Et l'attitude revêche et supérieure de Zoé, qui nargue la blonde avec délectation, achève de l'attendrir.
Pendant qu'Amélie se lance pour attraper la chapardeuse, Irina continue son travail, imperturbable. La course poursuite, nullement haletante, tourne au ridicule, quand Zoé part se cacher derrière Mia. Cette dernière, droite comme un poteau, voit les deux lui tourner autour en se chamaillant.
Quand le ton commence à monter, Irina pousse un soupir, suffisamment fort pour mettre un terme à la mêlée.
– Amélie, reviens là. Si on se remet pas au travail, on aura jamais fini.
La tête basse, la blonde obéit sagement, sous les quolibets de Zoé.
– Et toi, tu retournes t'asseoir et tu attends.
C'est au tour de la rouquine de retrouver sa place ; sur le visage, une expression contrite. Et surprise, aussi : elle ne s'attendait probablement pas à se faire réprimander à son tour.
Mia est donc la dernière debout et ne sait pas qu'elle comportement adopter. Est-ce qu'elle doit rejoindre les autres ? Ce serait plus sage, assurément. Et logique, également. A quoi bon rester debout, après tout ?
Mais... concrètement, qu'est-ce qu'elle est supposée faire ? C'est le doute, le malaise, le manque de confiance, qui tourbillonnent dans sa tête, l'empêche de faire un choix. Elle envisage même de prendre la fuite, reste malheureusement fichée à sa place, les deux pieds ancrés dans le sol.
C'est finalement Zoé qui l'aide à sortir de sa léthargie.
– Bah, tu t'assois ou quoi ?
Sa question aussi franche et nette que tout le reste de sa personne, a le don de réveiller Mia. Elle reprend sa place sur sa chaise, sans un mot, les lèvres serrées. Elle se sent minable et petite, si petite. Pourtant, quand sa voisine lui donne un coup de coude, elle ne peut s'empêcher de tourner la tête, attendrie. Inutile pour elle de nier son attachement. Elle soupçonne que ce n'est qu'un effet de cette solitude immense qui lui pèse sur l'âme et la conscience. Pourtant, elle déteste cette hypothèse, la sait injuste et nauséabonde. Parce que Zoé mérite d'être aimée et chérie pour ce qu'elle est, non ce qu'elle incarne.
– T'as pas l'air dans ton assiette. Ça va ?
– Euh... oui... je pense.
– Hm, t'as pas l'air très sûre. Dis-le si tu te sens mal, d'accord ? Faut pas être timide. Ou avoir honte.
Amélie pouffe, de l'autre côté de la table, avant de plaquer une main sur sa bouche d'un air désolé.
– Pardon, je voulais pas vous interrompre.
– Tu voulais quoi alors ? rétorque Zoé, acide.
– Rien, c'est juste que... t'as fait la meilleure version de " je mords " pas de la soirée.
Le rire d'Irina les prend toutes au dépourvue et Mia ne peut s'empêcher d'être heureuse, de se savoir inclue dans la blague, à l'inverse de Zoé qui les observe toutes trois, chacune à leur tour. Elle semble sceptique, mais Mia se doute qu'elle n'osera pas poser la question. Question d'ego. Elle préfère ne pas comprendre, faire pourtant comme si, plutôt que de dévoiler son jeu.
Alors elle se penche légèrement vers elle, pour pouvoir être entendue dans un murmure. Cette proximité accélère les battements de son cœur et soudainement, sa main se sent vide, sans la chaleur réconfortante de celle de sa camarade. Sans ces doigts comme des bouillottes, exhalant une chaleur à couper le souffle.
La gorge nouée, elle s'oblige à réfréner ses émotions, se contente d'articuler lentement les explications.
– Elles m'ont toutes les deux dit ça, tout à l'heure, chuchote-t-elle. Qu'elles mordaient pas.
– Aaaah... Vraiment des beaufs celles-là, répond Zoé.
– On t'a entendue hein !
La voix d'Irina résonne, de nouveau calme. Elle recommence à couper, le claquement de son couteau presque apaisant, alors que la blonde prend du retard, à côté, leur adressant des œillades discrètes et complices.
Dans une tentative désespérée pour apporter un peu d'aide, Mia tend le bras et entreprend de réunir les champignons en petits tas distincts. A ses côtés, appuyée contre le dossier de sa chaise, Zoé observe le moindre de ses mouvements, les paupières entrouvertes. La ressemblance avec un chat est si frappante que la jeune fille ne peut retenir un sourire.
Malgré les protestations de ses aînées, la brune finit par récupérer une planche à découper pour les aider dans leur tâche. Elle aimerait en finir le plus rapidement possible, même si elle ne sait pas bien ce qu'elles feront après ; elle espère juste que Brunet ne sera pas revenue d'ici-là pour leur infliger une nouvelle corvée. Elles en ont suffisamment fait, et même si Mia repousse les brumes du sommeil, elle sait qu'elle ne tiendra pas éternellement comme ça. Et Zoé pas plus qu'elle.

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Collées
Roman pour AdolescentsZoé a tagué, Mia était là, Irina s'est battue, et Amélie a volé. Quatre histoires différentes, qui se mêlent et se recoupent jusqu'à n'en former plus qu'une en cette fraîche soirée aux relents de magie.