Collées

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IRINA se chamaille avec Zoé, chose qu'elle aurait cru impossible encore quelques heures auparavant. Au fil de la soirée, elle s'est prise d'affection pour la rouquine, sans trop savoir pourquoi ni comment. Peut-être grâce à sa réconciliation avec Amélie ; elle sait maintenant que sous cet air revêche et colérique, l'adolescente a un cœur, finalement.

Ce qui est bien ironique venant d'elle.

– A plus les nulles, je prie pour ne jamais vous revoir.

Irina arque un sourcil, la laisse pourtant s'en aller. Mia finit par la suivre, encouragée par Amélie qui, décidément, est bien décidée à s'impliquer à corps perdue dans cette histoire.

– Elle a conscience qu'on se revoit la semaine prochaine pour la suite de notre colle ou... ? remarque la brune.

– Laisse-la rêver, elle a bien le droit, répond la blonde. Allez, viens.

Elles sortent à leur tour et Irina frissonne immédiatement — il fait beaucoup trop froid pour elle. Contrairement à sa camarade, elle n'a pas une affinité qui lui permet de garder sa chaleur. Ça sert à quoi de maîtriser la terre, quand on est gelé ? Peut-être à s'en recouvrir, pour espérer avoir un peu plus chaud. Et encore. Pas très utile, quoi.

Elle étouffe un bâillement avant de tourner la tête vers Amélie.

– Je pars par là, moi.

Elle désigne le chemin menant à son dortoir, à l'opposé de celui de sa camarade. Du coin de l'œil, elle aperçoit deux silhouettes avancer dans cette direction-là.

La blonde hoche la tête et sourit. C'est l'heure de se dire au revoir — et ça lui provoque un petit picotement dans le cœur, comme si la situation était anormale.

– Je sais, reprend Amélie. Euh...

– Oui ?

– Merci. Pour tout je veux dire. Tu m'as énormément aidée ce soir et... enfin je sais pas ce que j'aurais fait si t'avais pas été là.

– Amélie...

– Non, laisse-moi te remercier.

– Oh t'inquiète, j'allais pas t'en empêcher. Continue.

La blonde éclate de rire et tente de donner un coup de poing amical à sa camarade, qui s'écarte pour l'éviter. Leurs rires se mêlent dans l'air nocturne, s'élèvent vers le ciel, immortels.

– Tu sais, Amélie, c'est pas grave de pas avoir les épaules pour tout gérer. Y a la psy de l'école qu'est là pour t'aider.

– Mais elle a suffisamment de monde et...

– Et rien du tout. Elle est là pour ça. Hésite pas à aller la voir, ok ?

– Je... merci.

Irina se demande si la blonde a vraiment écouté son conseil, si elle va lui obéir — ou pas. Et au fond, elle sait qu'elle n peut pas faire grand chose de plus. Ce n'est pas sa vie, elle ne peut pas la traîner par la peau du cou, n'en a surtout pas le droit. Même si l'idée lui a traversé l'esprit. Mais au fond, elle n'a pas envie de l'obliger, non plus. C'est à elle de prendre la décision, en toute âme et conscience. Et Irina se doute que ce n'est pas si facile que ça ; demande de l'aide implique qu'on a des problèmes qui dépassent notre champ d'action. Qu'on est potentiellement malades.

Irina sourit et Amélie le lui rend. Ce soir, elles ont probablement noué l'amitié la plus inattendue du monde et pourtant, ça lui paraît presque comme une évidence. Si elles sont différentes sur bien des aspects, elles se rendent compte qu'elle ne le sont pas sur tous. Elles ont toutes deux dû vieillir prématurément, à encaisser sans broncher un poids qu'elles n'auraient jamais dû avoir à porter. Et si Irina sait qu'elle a changé, qu'elle a pris de bonnes résolutions, elle est aussi persuadée qu'elle ne peut pas bouleverser toute sa vie aussi rapidement. Il lui faudra du temps et elle ne sait pas si elle est prête à se l'accorder.

Mais un petit murmure dans un coin de sa tête lui assure que peu importe les obstacles qu'elle aura à traverser, Amélie sera là pour l'épauler.