Chapitre 9

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Déjà une semaine qu'Enzo ne m'adresse plus la parole. Le temps est long et étouffant. Plus encore que lorsqu'il est là. Mais j'aime sa présence. J'aime sentir son regard posé sur moi. J'aime l'observer sourire ou nous raconter les dernières choses étranges qui lui sont arrivées. J'aime lorsqu'il prend ma main lorsqu'il se sent triste, ou en danger. Sa main est froide, la plupart du temps, et sèche. Mais j'aime la sensation de sa peau contre la mienne.

Mais je parviens à respirer ces derniers temps. Je n'ai pas à affronter son regard noir lorsqu'il s'aperçoit de mes sentiments refoulés. Je n'ai pas à l'affronter et tant mieux.

Je suis un lâche.

Certains jours, je suis tenté d'appeler Charlie pour lui dire de venir. Pour qu'elle me dise ce qu'elle mourait d'envie de me dire. Pour revoir ses yeux sombres et ses fossettes aux creux de ses joues.

Et je n'écris plus.

Je suis totalement déchiré entre mes sentiments. J'ai l'impression d'être devenu ma propre malédiction.

Mais de toute manière, je vais mourir.

Ce lundi 13 avril en fin d'après-midi, Liam et Louise rendent visite à leur frère mourant.

« Et puis, elle n'a pas arrêté de pleurer de la nuit. Du coup je n'ai pas dormi. »

Je les regarde converser paisiblement sur mon sofa.

« C'est une des nombreuses raisons pour lesquelles je ne veux pas d'enfant, affirme mon frère. »

Louise lève les sourcils, consternée.

« Attends, tu es sérieux là ? Donc je n'aurai jamais l'occasion d'être tante ?

—   Tu n'as pas mieux à faire dans ta vie que d'être une tante ? s'étonne Liam. »

Elle roule des yeux pour réfléchir.

« Non, mais je suis la seule qui va devoir endurer la dure vie parentale alors ? »

Liam se tait. Il sait que derrière cette simple phrase, je comprends de nombreux sous-entendus. Louise, elle, continue de rêver et de vivre sa belle vie.

Je vais mourir. Je n'aurais jamais le bonheur de tenir dans mes bras mon enfant. Mais je m'en fou au final.

Louise se tourne vers moi et serre ma main avec un sourire. D'un mouvement de la tête, elle m'oblige à prendre place près d'eux sur mon canapé.

Je ne parle pas. Je n'ai rien à dire de toute manière.

« C'est donc pour ça que tu as une mauvaise mine aujourd'hui ? ricane Liam.

—   Sérieusement, viens un peu chez moi pour nourrir un bébé à 3 heures du mat'. Ou pire encore, lui changer sa couche. C'est pas facile tous les jours. »

Liam est plié de rire. Je me contente d'acquiescer et de sourire. Même si j'aimerais être ailleurs.

Mon frère se lève pour aller chercher à manger. La main de Louise enferme toujours la mienne, tel un trésor. Ou un secret. Et sa chaleur me fait du bien.

« Alors, il ne t'a toujours pas reparlé ? me questionne-t-elle. »

Je fais non de la tête.

« Peut-être que tu devais aller le voir chez lui, non ? »

Je fais non de la tête.

« Il te manque. Je le sais. »

Une fois encore, je fais non de la tête. Une fois encore, je mens.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant