Crève-Cœur

Chapitre 23

Lorsque j'ouvre les yeux, je remarque que je me suis endormi dans la chaise suspendue en forme d'œuf. Au rez-de-chaussée, je retrouve Charlie allongée dans le canapé, une tasse de thé entre les mains, un livre sur les cuisses

« Bien dormi ? me demande-t-elle sans même se retourner. »

Je hausse les épaules, même si elle ne peut pas me voir. Elle se retourne alors et fronce les sourcils.

« On dirait que tu aimes ça la Végémite, non ? »

D'un mouvement de tête, elle m'indique le pot de Végémite vide sur le comptoir de la cuisine. Mes joues s'embrasent. Je me noie dans mes justifications, bafouillant.

« C'est bon, ne t'inquiète pas ! m'assure-t-elle en se retournant. J'avais raison ! J'ai toujours raison. Ça fait juste du bien à mon égo ! s'amuse -t-elle. »

Je viens m'asseoir près d'elle.

« Alors, confortable ce lit à deux places ?

— Eh bien, franchement, pas trop mal ! »

Je lève les yeux au ciel alors que Charlie me donne un coup de coude.

« Et, t'en fais pas. On peut faire une nuit sur deux. En revanche, je ne pense pas que je dormirai dans la chaise suspendue. »

Elle éclate de rire tandis que lui jette un regard noir.

« J'étais très fatigué d'accord ? Et même si on dirait pas, ce fauteuil est très confortable ! »

Elle sourit en m'observant de côté tout en buvant une gorgée de thé.

« Tu lis quoi ?

— Un livre à l'eau de rose. »

Je lève les yeux au ciel.

« Quoi ? s'exclame-t-elle.

— Non rien.

— Tu n'aimes plus les livres d'amour.

— Si. Ce sont mes préférés.

— Alors, pourquoi tu lèves les yeux au ciel ?

— Parce que je ne crois pas en l'amour. »

Elle m'observe longuement en avalant une autre gorgée de thé.

« Tu ne veux pas manger ? »

Et comme d'habitude, elle élude les sujets dont elle n'aime pas parlé. Comme le fait que je vais mourir. Nous n'en avons toujours pas parler.

« Non, je n'ai pas faim. Je ne mange pas le matin. »

Elle replonge dans son livre. Je pose ma tête contre le dossier du canapé.

« On fait quoi aujourd'hui ? je demande. »

Elle ne répond pas tout de suite, absorbée par son livre.

« Je crois qu'on va aller à la plage. Il n'y a jamais personne. C'est vraiment cool. Et cette fois-ci, pense à mettre ton maillot de bain !

— Oui, je crois que j'ai retenu la leçon ! »

Je me relève nonchalamment pour aller m'habiller.

« Et on va retourner acheter de la Végémite vu que tu as vidé le pot ! crie Charlie derrière mon dos. »

Je souris lorsque je gravis les étroites marches de l'escalier. Ma valise, ouverte sur le sol, est à moitié vide. Je n'ai pas vraiment apporté beaucoup de vêtements. J'attrape mon short de bain, un débardeur vert pomme et un short en jean noir troué. Je me change rapidement dans la salle de bain. Le miroir suspendu au mur me renvoie un reflet différent d'habitude. Mes cheveux sont brillants, le teint cireux s'est substitué en un teint hâlé. Les cernes violacés en dessous de mes yeux se sont effacés. Les cicatrices qui sillonnaient mon visage disparaissent plus le temps passe. Et mes yeux. Lumineux. De leur vert intense. Scintillent. Je souris. Mon visage est bien plus attrayant que ces derniers mois. Je me trouve joli, comme Charlie dirait.