Chapitre 33

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J'ai passé plusieurs jours à la relecture de mon livre :  j'ai reconstruit certaines phrases et corrigé les erreurs d'étourdissement, de grammaire et d'orthographe. Et, quand j'ai été satisfait de mon projet finalisé, je suis allé l'imprimer en plusieurs exemplaires.

J'en ai donné un à ma mère et à mon grand-père.

Un autre à ma sœur, Louise.

Charlie a eu le droit à un exemplaire elle aussi.

Et j'en ai donné un à Maël, espérant qu'il le lise.

Depuis, j'attends. Perpétuellement.

Je n'ai plus de travail.

Je n'ai plus de chose à accomplir.

Donc, je suis piégé dans cette perpétuelle attente.

Mais attendre quoi ?

Serais-je en train d'attendre ce jour où enfin toutes mes douleurs se dissiperont ? Où enfin, ce déchirement émotionnel cessera de me tourmenter ?

Donc, j'attends.

Les jours passent. Je vais me promener avec Charlie, elle m'emmène à ses expositions, à ses séances photo et, entre autres ça, nous nous échauffons à travers la chair.

Je suis allé chez mes parents. Il y avait Louise et sa famille, Liam et sa nouvelle copine, le petit chat de maman et mon père dont le visage était recouvert de plaques rouges. Et moi, qui me distinguais de ce petit univers où tout semblait facile. Nous avons mangé les lasagnes forestières aux 3 fromages de maman ; repas rythmé par les discussions joviales de l'ensemble de la famille. Et malgré ma discrétion, je savais ce que tout le monde pensait : ça approche.

La vie est une course. Et je cours inlassablement. Mais plus je cours, plus je me fatigue. Mon souffle est rapide. Mes poumons se compressent à chaque pas. Mes jambes brulent. Et la faucheuse me rattrape, brandissant sa redoutable faux.

Et j'avais l'impression que leurs yeux me criaient : je t'en prie, ne t'arrête pas de courir !

Je suis sorti plusieurs fois avec Maël.

Accompagné d'Enzo.

Et notre ami commun savait qu'il se passait quelque chose.

Et j'avais envie de lui dire.

J'avais envie de lui dire qu'Enzo et moi vivons un amour impossible et, qu'à défaut de pouvoir s'aimer, nous nous haïssons.

Mais je n'ai rien fait.

Parce que jamais je ne pourrais haïr Enzo.

J'ai poursuivi mes esquintantes séances de boxe avec mon père qui ne cessait jamais de me mettre une raclée.

Et plus les jours passaient, plus mes lecteurs me faisaient part de leur ressenti durant leur lecture. Et j'en étais plus que satisfait.

Le jeudi 28 mai 2020, je suis réveillé par la sonnerie de mon téléphone. Incessantes et assourdissantes. Je l'ignore plusieurs fois avant de me décider à répondre.

« Allô ? dis-je de ma voix enrouée.

—   Sasha, c'est Charlie. Je suis à l'hôpital. »

Sa voix est fragile, presque désincarnée.

Je me redresse aussitôt, brusquement tiré du sommeil. Les yeux écarquillés et l'hôte d'une intense inquiétude, je m'écris avec appréhension :

« Quoi ? Ça va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'arrive tout de suite !

—   Non, non, ce n'est pas de moi qu'il s'agit, dit-elle en sanglotant. »

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant