Chapitre 16

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Je ne parviens pas à trouver le sommeil cette nuit-là. Je suis tourmenté par les clichés perturbants d'Ambrogia.

Les affres et le désespoir dont ces clichés étaient imprégnés ont déclenché en moi une effroyable fascination pour cette terreur. Et je n'ai pas cessé de penser à ces photographies.

Leur lividité en est angoissante. Les couleurs ternes, mornes éteignent toute once de gaieté. Ces clichés patibulaires animés par un sinistre pessimisme m'ont longtemps amené à la réflexion.

Et si je me méprenais ? Si ce pétrifiant désarroi était une échappatoire, un subterfuge ? Ayant l'unique but de nous plonger dans de profondes spéculations.

Mais l'obscurité irréfutable de ces clichés poursuit son incessante quête vers l'austérité et l'effroi.

Et, lorsque j'y repense, mes jambes se raidissent, je tressaille.

Mais je ne cesserai de me questionner sur le mystère derrière ces photos.

Je me passe de l'eau froide sur le visage avant de remarquer la lente disparition de mes cicatrices. Après une rapide douche et une anormale quantité de café, je me rends au travail.

Depuis jeudi, je n'ai aucune nouvelle de Charlie ou d'Enzo. Comme si mon existence n'avait plus aucune importance à partir du moment où mes agissements sont irraisonnés.

Ils le sont la plupart du temps, mais je ne parviens pas à calmer cette colère. Il est donc plus simple de la laisser me dominer.

Mais j'aimerai discuter avec eux. Savoir pourquoi tout ce qui m'arrive, m'arrive maintenant. J'ai réussi à vivre 1 an et demi depuis l'annonce du médecin sans obstacles, problèmes, reproches ou mise en garde à vue. J'écrivais, allais au bar, trainais avec Maël et Enzo et m'oubliais à ces atroces soirées absurdes et très alcoolisées.

J'étouffais mes sentiments pour mon ami et personne n'était blessé.

J'ai juste l'impression que tout a commencé lorsque Charlie s'est soudainement libéré du passé et envahit ma malheureuse mais paisible vie.

Ou peut-être que ce désordre qui s'accumule n'est qu'une des nombreuses conséquences de ma mort s'approchant à grands pas ?

Mes services sont continuellement interrompus par de continus bâillements et de micro siestes dans les toilettes au remugle déplaisant.

Lorsqu'enfin cette longue journée de travail s'achève, une humeur folâtre m'envahit. Ainsi, je vais poursuivre l'écriture de mon roman !

Face à mon ordinateur et ce dédaignable curseur, je suis paralysé par ce syndrome de la page blanche. J'ignore complètement quoi écrire. Je n'ai aucune idée pour une possible suite. Je n'ai rien pour façonner la suite des aventures de mes personnages. Je me morfonds alors dans mon lit, persuadé que tout ça ne me mène à rien. Puisque j'ai perdu tout espoir et l'envie de vivre ma très courte vie, j'ôte tous mes vêtements et m'étale de tout mon long sur mon lit, fixant le plafond d'un regard maussade.

Le lendemain, je ne fais rien de la journée puisque le dimanche anéantit le peu de productivité que je possède. Je me prélasse dans mon lit, mon ordinateur sur les genoux. J'ai osé affronter mon reflet aujourd'hui : d'énormes cernes gris sont présents sous mes yeux pers, mes cheveux sont gras et hirsutes, et le teint cireux de mon visage me donne l'apparence d'un malade.

Ce que je suis.

Je fais de nombreuses recherches sur Ambrogia mais je ne trouve rien. Juste ce nom maquillant une profonde affliction. Je reprends aussi l'écriture de mon livre mais l'unique chose que je parviens à accomplir est l'inertie face à l'écran lumineux de mon ordinateur. Mes doigts sont figés au-dessus du clavier, espérant avoir quelques touches à marteler. Mais je suis exténué. Mon inspiration semble s'être fait la belle.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant