Chapitre 20

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Deux jours se sont écoulés depuis que j'ai annoncé à mon père mon départ en Australie. Depuis, je n'ai eu le droit qu'à des appels comblés de crainte, de remontrances et de conseils sans fondements.

Ce dimanche, j'ai annoncé à Charlie que j'étais décidé à partir avec elle en Australie. Elle a exprimé sa joie à travers un petit cri strident. Puis m'a affirmé qu'elle s'occupait de tout ; l'unique chose dont j'étais responsable était d'acheter mon billet d'avion.

Lundi, Enzo et Maël sont passés me voir. Je leur ai raconté mes quelques changements de pensée sur la vie et son goût amer. Ils étaient ravis de me voir changer d'une telle manière aussi rapidement.

J'ai simplement l'impression que quelque chose en moi a été libéré. Comme si dans une toute petite cage étriquée, était maintenue captive cette envie insatiable de vivre. De vivre malgré tout.

Malgré les difficultés.

Les obstacles.

Les larmes.

Et mon cœur qui se brise.

Comme si ce petit organe dans ma poitrine, pompant constamment mon sang, avait cette matérialité émotionnelle encline à la destruction soudaine.

Et je suis persuadé que, quelque part, c'est le cas. Je le sens au fond de moi.

Et cette envie de vivre se déchaine en moi, tels un ours, ou un lion, enfin libre.

Alors les couleurs sont moins ternes.

Le bruit est moins étouffé.

La vie est moins laide.

Et son goût moins amer.

J'ai croisé le regard attristé d'Enzo. Cet éclair affligé qui a traversé ses yeux m'a ennuyé.

Mon départ est-il la source de sa tristesse ?

Où est-ce tout le reste ? Ce champ de bataille dans lequel il est le seul à se battre. L'unique soldat. Une guerre qu'il mène contre lui-même.

Tout comme moi.

J'ai posé sa main sur la sienne sous le regard scrutateur de Maël, paraissant enchanté de mon geste.

Mais le visage d'Enzo a pris une teinte rouge. Il a alors glissé sa main de dessous la mienne pour la poser sur sa cuisse, embarrassé.

Et j'aimerai tant que tout soit plus facile.

J'agresse les touches de mon clavier. Je suis nu, mes fesses se sont collées à ma chaise dans un mélange de sueur. Mais peu importe ; j'écris !

Je suis ravi puisque nous sommes jeudi et je n'ai pas cette pression du travail qui s'amuse à jouer du tambour et à danser au fond de ma poitrine.

Je suis ravi puisque dans 10 jours exactement, je pars en Australie. Enfin, je vais nourrir mes poumons d'un nouvel air. Un oxygène sain et frais.

Alors que je disparais dans ce nouveau monde illusoire que je hais autant que je convoite, quelqu'un frappe à la porte. Pourtant, il est tôt. Et personne n'est censé venir me voir aujourd'hui.

Je prends soin d'enregistrer mon document avant de me lever, tenter de me recoiffer, de m'habiller et d'aller considérer la personne derrière cette porte.

Au travers du judas, des yeux bleus perçants scintillent telles des étoiles dans la nuit. De fines lèvres tracent un sourire timide et impatient sur un visage à la peau pâle.

Enzo...

Je ne peux m'empêcher de sourire avant de lever les yeux au ciel. J'ouvre la porte avec un peu trop d'enivrement à mon goût.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant