Chapitre 10

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Je la fixe. Mon cœur s'accélère. Ses mots résonnent en moi. Ils traversent mon corps entier. Cette question me glace le sang, me consume entièrement. Personne n'avait jamais osé dire ces mots à voix haute. Personne n'avait jamais osé admettre cela à voix haute. Moi-même, je m'interdisais de le penser. Moi-même, je me tourmentais de ces sentiments refoulés et détestés.

Je sens ma mâchoire se contracter, mes yeux s'écarquiller en grand, mes ongles s'enfoncer dans la chair de mes mains. Je sens mon sang bouillir. Je sens la réalité brumeuse et illusoire. Et si seulement je pouvais mourir maintenant.

Lorsque mes idées sont claires de nouveau, j'entends les pas de Charlie disparaitre progressivement. Les battements de mon cœur s'intensifient, ma respiration est saccadée et le temps est au ralenti. Je saute de mon lit, sors furieusement de mon appartement, dévale les escaliers. Il faut que je la rattrape. Je suis rapidement épuisé et il est tard. Les voisins dorment. Moi, je manque de tomber dans cet interminable escalier.

Et enfin, je la vois.

Mon cœur fait un bond.

« Charlie ! »

Elle se retourne et rien sur son visage n'indique de la surprise, comme si elle savait que j'allais la suivre. Ses lèvres dessinent un léger sourire, elle m'examine attentivement de ses yeux noirs tandis que je reprends difficilement mon souffle.

« À quoi joues-tu exactement ? m'étranglé-je. »

Elle lève un sourcil.

« Je te connais trop bien. »

Là, au milieu de cet escalier, nous nous étudions intensément. Nul ne sait si c'est de la haine entre nous. Ou de l'amour.

« Tu ne me connais pas. Arrête d'en être persuadée. Tu ne sais pas qui je suis. Ça fait 8 ans Charlie. Je ne sais même pas de quoi tu te mêles. »

Elle monte quelque marche pour s'approcher de moi.

« Alors, j'ai raison ? »

Je fronce les sourcils et passe une main dans mes cheveux.

« De quoi tu parles ?

— De tes sentiments pour Enzo ? »

Elle m'examine de haut en bas. Je réalise que je suis en caleçon et ne porte qu'un T-shirt noir. J'ai la tête qui tourne.

« Tu ne sais rien.

— J'ai vu comment tu le regardes, comment tu lui parles.

— Oui, comme un frère.

— Non, c'est bien plus que ça Sasha et tu le sais très bien. Le truc, c'est que je ne comprends pas très bien pourquoi tu m'as embrassé. »

Elle m'agace. Elle m'agace à lire en moi comme dans un livre ouvert. Et je la hais pour ce pouvoir qu'elle a sur moi. De me connaitre plus que je ne me connais moi-même. Même si cela fait maintenant plusieurs années qu'elle ne m'a pas vu.

« Tu sais, être déchiré entre ses propres sentiments doit être affreux. Je suis là si tu veux en parler.

— Je n'ai pas envie d'en parler. Surtout à toi. Ni à personne. »

Elle tourne les talons et descend une marche.

« Charlie, pourquoi tu fais tout ça ? »

Elle tourne la tête, puis réponds :

« Parce que je tiens à toi Sasha. Et dès que j'ai croisé ton regard l'autre soir, j'y ai vu quelque chose de brisé. Tu ne vas pas bien. Et je persisterai jusqu'à ce que tu me dises ce qui ne va pas. »

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant