Chapitre 28

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Au beau milieu de cette nuit, un atroce mal de tête me sort du sommeil. Après m'être passé de l'eau froide sur le visage et d'avoir ingurgité tous les médicaments que je suis censé prendre, la douleur persiste encore. Je descends, cédant à l'affolement et souffrant. Je ne sais vraiment pas quoi faire pour calmer ces terribles maux de tête. Je me laisse tomber sur le canapé mais la douleur s'accentue, m'abattant. Le marteau et l'écume sont de retour ainsi que leurs bruits assourdissants qui résonnent dans ma tête. Et la douleur est paralysante. Je me masse la tête, les yeux. Rien n'y fait : je souffre. J'entends Charlie descendre. Mes lamentations ont dû la réveiller. Alors que je me tords de douleur sur le canapé, Charlie, encore endormie, me conseille de me calmer. Elle va chercher un verre d'eau. Mais ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Il faut juste laisser faire le temps. Laisser passer la douleur. Même si elle est intenable. Je replie mes jambes contre mon torse et pose ma tête sur mes genoux. Je gémis longtemps et serre les dents. C'est une affliction viscérale si intense qu'elle semble faire partie de moi. Charlie s'assoit sur le canapé à mes côtés et entoure mes épaules de ses bras. Je pose ma tête contre sa poitrine et ferme les yeux, tentant le mieux que je peux de me calmer. Elle murmure et me berce longtemps. Et longtemps la douleur persiste comme si elle luttait contre quelque chose. Contre moi. Qui lutte contre elle. Qui lutte pour vivre. Une vie de merde.

Putain !

Et c'est là que j'ouvre mes yeux pleins de larmes. Charlie me serre fort dans ses bras, fredonnant. Je porte mon attention sur le son mélodieux de sa voix. Qui vibre en moi. Et, logé dans les bras de Charlie, je me sens apaisé, vulnérable. Il n'y a plus rien d'autre qui compte que la chaleur de ses bras autour de moi. Que les battements de son cœur. Il n'y plus rien d'autre que son souffle contre ma nuque.

Il n'y plus cette souffrance assaillante qui m'enveloppait dans cette transe douloureuse dont j'étais l'unique captif. Je me redresse, les bras de Charlie toujours autour de moi. Je la regarde avec insistance, honteux qu'elle me voie ainsi. Elle replace une mèche de cheveux brune qui me tombait sur l'œil. Elle sèche les larmes aux coins de mes yeux de son pouce et me sourit.

« Tout va bien maintenant Sasha. Tout va bien, je suis là. »

Je la regarde tendrement. Dans ce regard transparaissent toute la reconnaissance et l'amour que j'éprouve à son égard.

Tu me sauves pour mieux me tuer.

Mais je ne peux pas. Je ne peux pas la laisser entrer dans ce monde-là. Ce monde où je souffre perpétuellement. Alors une autre larme dévale ma joue. Je me masse la nuque, embarrassé.

« Ça va ? »

Je hoche la tête vigoureusement en essuyant la larme sur ma joue. Non, ça ne va pas. Mais c'est comme ça. Alors je repose ma tête sur sa poitrine. Et ainsi logé dans les bras de mon amie, je m'endors bercé par les battements de son cœur.

Lorsque je me réveille un peu plus tard dans la nuit, je suis seul sur le canapé. Charlie est monté. Je suis seul avec la douleur. Je me frotte les yeux et remarque mon ordinateur posé sur la table de la cuisine. Je me lève avec difficulté et la tête qui tourne. Lorsque j'allume mon ordinateur, la lumière me brûle les yeux mais je m'y habitue vite. Il est cinq heures et demie. J'ai mal à la tête et j'ai froid. Étrangement froid. J'ouvre mon document Word et relis les dernières pages que j'ai écrites. Soudainement épris d'une nouvelle passion qui s'est liée à la douleur, je reprends l'écriture frénétique de mon roman. Mais ça ne dure pas bien longtemps puisque la douleur dont je pensais s'être atténué surgit de nouveau. Je sors dehors, j'ai besoin d'air. À l'extérieur, j'inspire une grande bouffée d'oxygène avant de courir jusqu'à l'océan agité. Les vagues sont hautes. L'eau est moins chaude. Je me déshabille rapidement et m'enfonce dans l'eau. Je ne me préoccupe pas de ce qui pourrait m'arriver ici à cette heure-là. J'ai juste besoin d'autre chose. Autre chose que les réguliers conflits avec Charlie. Autre chose que les touches usées de mon ordinateur. Autre chose que cette douleur. Émotionnelle. Physique. Qui m'arrache à moi-même dans une torture inexprimable. Alors je plonge la tête sous l'eau. Je ne respire plus. Je ne vois plus.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant