Chapitre 27

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Je crois bien que je suis resté plus d'une heure et demie assis sur la côte rocheuse, face à la mer qui m'envoyait quelques gouttes d'eau salées en compagnie de la lune qui perçait le ciel. J'ai longuement raisonné sur le sens de tout ce qui m'arrivait. J'ai médité sur l'intérêt de ce déchirement émotionnel.

Et, concluant qu'il n'y en avait point, dû à cette terrible fatalité qui m'accablait, j'ai enfin cessé de me torturer.

J'ai enfin assumé mes sentiments.

Pour Charlie.

Et pour Enzo.

Il n'y a rien de mal à ça.

Y-a-t-il vraiment quelqu'un capable de porter le moindre jugement sur le fait que je sois amoureux de deux personnes en même temps ?

Ou peut-être que ce n'est qu'une putain de façade.

Peut-être que je ne parviens seulement pas à discerner l'amour de l'amitié. Alors pourquoi me languis-je tant de leur chaleur, de leur contact ?

Mais, au vu de mon brillant avenir, je ne m'en fais pas.

Je ne m'en fais plus.

Je vais crever.

Et j'ai ramassé mon ordinateur dont l'écran est endommagé et je suis rentré, le cœur lourd, à l'ancienne maison de Néolie.

Il me faut longtemps pour recouvrer mes esprits à mon réveil. Je me masse la crâne, me frotte les yeux et m'étire le dos. L'inconfort matelas commence à me causer d'incommodantes douleurs dorsales. Je serre les dents et essaye de ne pas tomber dans les escaliers ; ma vue étant toujours troublée.

Lorsque j'aperçois Charlie assise dans le canapé, bouquinant, j'ai soudainement l'impression de suffoquer. Tout me revient. Hier soir, j'ai embrassé Charlie. La deuxième fois depuis que nous nous sommes revus.

Je serre les poings et prends une profonde inspiration.

« Ça va Sasha ? me demande-t-elle comme tous les matins. »

Je ne réponds pas tout de suite, la bouche mi-ouverte.

Va-t-elle une fois de plus éluder les sujets importants dont nous sommes censés discuter ?

J'en ai l'impression. Alors je hausse les épaules même si elle ne peut pas me voir et me dirige vers la cuisine pour trouver quelque chose à manger.

Charlie se retourne alors, le sourcil relevé.

« T'as perdu ta langue ? »

Je hausse une nouvelle fois les épaules.

« Je vais bien, je réponds d'une voix endormie et enrouée. »

Alors elle reprend place dans le canapé en soupirant.

« Et toi ? »

Elle ne réponds pas tout de suite.

« Je n'en sais trop rien. C'est difficile à dire. »

Elle laisse alors ainsi planer le doute sur ses sous-entendus. Je ne cherche pas à en savoir plus alors que je me prépare un toast de marmelade.

Plus tard dans la matinée, je retourne sur la côte rocheuse avec mon ordinateur. J'ignore complètement où est Charlie. Mais ce n'est pas ma préoccupation numéro une : j'appréhende l'état de mon appareil. Lorsque je gravis les roches, le vent me frappe le visage. Un vent chaud et violent. La mer est forte, agitée. Assis sur les rochers, j'observe longtemps la houle contre les pierres et les petits crabes sur les écueils avant d'allumer avec pressentiment mon ordinateur. Il n'est plus dans le même état qu'avant, je dois l'admettre. Mais l'importance c'est qu'il fonctionne et que je puisse achever mon roman.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant