Crève-Cœur

Chapitre 31

Personne n'aime lorsque quelque chose qui semble si permanent, si normal, si habituel, touche à sa fin. 

Ce douloureux terme qui signe le retour à la réalité. Brusque et inexplicable.

Et, ce samedi, je me réveille avec difficulté et ces mêmes maux de tête. Mais ce n'est pas le réveil habituel qui s'accompagne de l'odeur de Végémite et des petites danses de Charlie.

Non, c'est le départ.

Lorsque je pénètre la chambre de Charlie, je vois cette dernière essayant tant bien que mal de fermer son énorme valise.

« Tu veux que je t'aide ? »

Elle lève la tête vers moi, surprise. Alors je m'approche pour fermer la valise avec grande facilité ce qui véhicule un éclat de rire chez Charlie.

Elle s'assoit sur le lit et observe l'entièreté de la chambre avec une moue attristée.

« On y est, c'est la fin Sasha. »

Je baisse la tête.

Après avoir ordonné toute la maison, nous décidons d'aller manger dans un petit restaurant local de Sunshine Coast.

Mais la journée passe vite. Beaucoup trop vite.

Et, dans la nuit de dimanche, je suis brusquement réveillé par Charlie. Ma vue est trouble, ma tête est douloureuse et lorsque je me lève du matelas, je manque de défaillir.

Affligeant retour à la réalité. Inexorable fatalité. Merci Australie.

Alors que Charlie cède à l'affolement, je vais dans la salle de bain. Ma peau est plus mate que d'habitude. Mes yeux plus illuminés. Mes blessures ont disparu laissant de petites cicatrices presque indiscernables. Après avoir pris une dernière douche, m'être habillé et avoir mangé, j'examine la maison pour voir si nous n'avons rien oublié.

Charlie ouvre tous les placards lorsqu'elle tombe sur l'énorme pot de Végémite. Elle s'en empare et me regarde. Cette écœurante pâte brune a été source de désaccord et d'amusement.

« Tu sais très bien que ça ne passera pas à l'aéroport Charlie. »

Elle baisse les yeux sur le pot, triste de l'abandonner ainsi à moitié plein.

« Et si on le finissait avant d'aller à l'aéroport ? propose-t-elle. On a trente minutes ! »

Mes yeux s'écarquillent brusquement.

« Vraiment ? On va être malade dans l'avion, c'est moi qui te le dis. »

Mais elle balaie mes propos d'un mouvement de la main avant de s'assoir sur le canapé. Je prends place près d'elle tandis qu'elle ouvre le pot.

Alors, avant de quitter la petite et accueillante maison de Néolie, Charlie et moi finissons le pot de Végémite à la cuiller.

Le voyage est long, très long. Mais, lorsque l'avion atterrit, je suis soulagé. Et cette fois-ci, c'est moi qui sors Charlie du sommeil.

Nous quittons l'aéroport avec nos valises et prenons un taxi nous emmenant à la prochaine station de métro. Charlie et moi nous disons au revoir à travers un langoureux baiser.

Et tous ses sentiments refoulés se déchainent de nouveau.

Tard le lendemain, je retrouve mon vieux studio mal rangé, dans le 18ème arrondissement de Paris.

Je ne perds pas de temps dans le rangement de mes affaires : je tombe de fatigue sur mon lit et m'endors aussitôt.

Je me réveille dans l'après-midi, complètement perturbé par le décalage horaire.