Chapitre 34

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Je n'ai pas envie de sortir aujourd'hui. Je n'ai pas envie de tenir le mouchoir imbibé de larmes de Charlie. Je n'ai pas envie de voir tout ce funeste noir.

Je veux boire.

Boire jusqu'à ce ma vision se trouble.

Boire jusqu'à ce que la terre se fige.

Boire jusqu'à ce que mon cœur cesse de battre.

Et cet affront illusoire de mon sang qui s'épanche sur le sol maculé de ce putride purgatoire est bien plus cruel que ne le pensais.

Je veux boire pour éviter de souffrir.

Pour que le sang qui coule n'ait aucune conséquence, aucun impact.

Malgré ça, je sens mon corps se vider sous la terrible douleur de l'amour, du regret. Et c'est ainsi que les démons de la haine font un détour jusqu'à mes poumons encrassés par la colère.

Et si je veux boire ce soir, c'est pour oublier.

Pour oublier que je suis amoureux.

D'Enzo.

De Charlie.

Deux êtres vulnérables mais remarquables.

Inaccessibles et attachants.

Qui ont donné un sens à l'amour pourtant dénué de sens.

Et ainsi, de cet acharnement émotionnel, ils emportent avec eux mon cœur brisé et sanguinolent.

Si je veux boire ce soir, c'est pour oublier ces nuits dépravées et perverties, durant lesquelles nos corps, l'un contre l'autre, échauffent notre peau, notre chair. Des nuits mêlées de constants allés et venus, accompagnées du bruit timide du plaisir en action.

Pour oublier l'envie de leurs lèvres sur les miennes, de leurs mains sur mon corps.

Mais je sais que l'alcool n'est pas assez fort, pas assez puissant, pour détruire ce mal-être constant qui persiste.

Alors je veux boire pour éviter de penser que la vie a meurtri mon cœur déjà brisé.

Une fois de plus.

Parmi toutes ces autres fois.

Profondément, et plus encore.

Et ce soir, je décide de les oublier.

De faire d'eux, les fantômes d'un passé balayé.

Même si j'ai conscience que leur présence va au-delà de l'oubli. Et dépasse l'entendement du possible. M'étant fait à leur chaleur, ce n'est plus qu'une terrible addiction.

Alors je vais boire, pour oublier que j'ai mal.

Mal de les aimer eux.

Vous.

Je pénètre le bar dans lequel j'avais l'habitude d'aller. J'ai éteint mon téléphone parce que je ne cessais de recevoir les appels de Charlie. Et la chose que j'appréhende le plus en ce moment c'est la colère qui se déchainera sur moi plus tôt que je ne peux le concevoir.

Mais, à cet instant, l'unique chose que je souhaite est boire.

Alors je m'adonne aux plaisirs éthyliques que me condamne l'inconscience de perdre la maitrise de mon corps. Je me déchaine, danse parmi ces autres immortels. Et enfin, j'oublie.

J'oublie Charlie et Enzo.

J'oublie que je ne pourrais jamais être l'oncle dont mes neveux ont besoin.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant