5.

196 16 6
                                    

Le cercle infernal commence à se refermer sur moi, je le sens. La routine s'installe. Je suis toujours inséparable avec mes amies, toujours assidue en classe et alors que je me jette à terre pour tenter de sauver le dernier point du set, je me dis que le volley n'échappera pas non plus à la règle comparé aux dernières années. Je sens le sable bouillant m'érafler le côté droit mais je passe outre et réussis à élever le ballon dans les airs pour qu'Amy puisse me faire la passe. Je me relève d'un bond et, ni une ni deux, j'arme mon bras et effectue une attaque qui, suite à un contre adverse, vient se solder par un échec. Le sifflet retentit et l'arbitre lève les deux mains en l'air.

— Fin du match ! Victoire de West Palm Beach avec trois sets à zéro.

Une plainte s'élève de mon équipe et nous nous avançons vers le filet pour serrer la main de nos adversaires qui nous lancent distraitement un « bien joué », comme si elles ne le pensaient pas vraiment. Je soupire au moment de serrer la main de l'arbitre tout en le remerciant.

– Une prochaine fois Iliana, me sourit-il en voyant la déception peinte sur mon visage.

Je ne sais même plus pourquoi je suis déçue, à chaque fois c'est la même chose.

– Ouais...

Je m'en vais signer la feuille de match où le score décevant de mon équipe est écrit noir sur blanc et alors que je pense sérieusement au fait que je dois me trouver une signature décente, j'entends déjà Frank nous passer un savon monumental. En même temps, vu le match catastrophique qu'on vient de lui servir, c'est mérité à mon humble avis. Je serre des mains à la table des points et je tourne les talons pour rejoindre mes coéquipières qui, tête baissée, mâchoire serrée, se laissent crier dessus par notre entraîneur. Amy, les bras croisés sur la poitrine - signe de son profond agacement - me jette un regard irrité. Frank lui tape sur les nerfs : elle ne l'a jamais porté dans son cœur car selon elle, il est loin d'être pédagogue. « Crier sans arrêt, il voit bien que ça ne fonctionne pas avec nous. C'est un connard », n'arrête-elle pas de me répéter. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Utiliser la manière douce aurait encore moins d'effet sur notre équipe. Nous étions peut-être des causes perdues finalement, celles qui verraient toujours leurs matchs se solder par une défaite cuisante. Il en fallait bien, la vie a toujours besoin de perdants pour pouvoir avoir des gagnants, comme le bien a besoin du mal pour exister. Pour le coup, j'aurai préféré être le mal... Je viens alors à me questionner : pourquoi avoir choisi Palm Beach plutôt que West Palm Beach pour le FBVT ? C'est vrai, ce club est hyper régulier dans ses classements, ne descendant du podium qu'en de très rares circonstances. Pour nous, c'était plutôt d'y monter qui était du jamais vu.

Je presse les épaules d'Amy pour essayer de la détendre et j'écoute d'une oreille distraite notre coach nous répéter le même baratin habituel. Je pourrais employer les mêmes termes que lui : « Vous êtes aussi molles que des limaces écrasées sur le bord d'une route ! J'ai dit quoi pour les passes ? De la hauteur, pas au raz-du-sol ! Et vos jambes ? Solides comme un tronc d'arbre ! Pas comme un bambou en train de crever ! » Je retire mon brassard de capitaine qui me fait plus transpirer qu'autre chose et lorsque j'entends des rires au loin, je me détourne et vois la réponse à ma question précédente m'apparaître devant les yeux. Grâce à qui le FBVT est à portée de main ? Il suffit de suivre tous les regards qui se braquent vers la droite, là où, leur sac de sport négligemment jeté sur une épaule, un groupe de garçons à la peau soleil s'avance d'une démarche assurée telle celle d'une meute de félins triomphant d'une chasse. Avec la chaleur étouffante du dehors, on croirait presque qu'il s'agit d'un mirage : autant de beauté en un seul groupe, même sous une pluie battante, ça ne me semblerait pas réel. Et à la tête de ce harem de mâles BCM2, le capitaine de l'équipe masculine, torse-nu et cheveux soleil indomptables.

Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant