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Je suis éveillée avant même que mon réveil ne sonne, me préparant mentalement à affronter cette nouvelle rentrée. Et je ne suis pas prête. Je voudrais que le temps s'arrête, que la plaie à vif dans ma poitrine cicatrise enfin, mais qu'importe ce que je souhaite, je ne l'obtiens jamais. Je continue à fixer mon plafond d'un œil vide, le seul élément auquel je me suis confronté durant toute la fin des vacances. Je n'ai presque pas quitté mon lit, je n'ai interagi avec quasiment personne, si bien que je me demande si je suis encore capable de marcher ou de parler. Mes parents m'ont fait part de leur inquiétude à plusieurs reprises, mais je n'ai rien fait pour alléger le poids de leur culpabilité. Je suis restée au lit, à fixer mon plafond, mes écouteurs vissés sur les oreilles, sans plus manger, sans plus dormir. Adam est passé plusieurs fois me voir, il s'est excusé, une fois, puis il n'a plus jamais cessé de me crier dessus pour me forcer à me bouger. Il m'a traîné dans la douche à un moment, je ne sais plus trop quand, mais j'étais toute habillée. Il a allumé l'eau dans l'espoir de me sortir de ma transe, mais je n'ai même pas eu le courage de m'énerver contre lui. Plus rien n'a de saveur, plus rien n'a de couleurs. Tout est morose, éteint. Même Amy, lorsqu'elle a été appelée à la rescousse, n'a pas su me dérider. Elle est entrée dans ma chambre, s'est allongée avec moi, m'a demandé une fois si je souhaitais en parler, et comme je ne réagissais pas, elle s'est contentée de me prendre la main et d'attendre, tout simplement, que le temps passe. Rien que pour cela, elle est celle que j'arrive le plus à supporter. Je dis bien supporter, car le mot "aimer" ou "apprécier" ont perdu tout leur sens. Je ne vis pas dans l'espoir de tomber sur quelqu'un que j'aime, mais dans l'attente de savoir qui autour de moi se révélera le moins insupportable. Et c'est pitoyable. Bon, je mens un peu. J'ai bien réussi à parler durant les quelques jours où j'ai hiberné dans ma chambre, simplement pour empêcher mes parents de m'envoyer à l'hôpital comme je refusais de me nourrir correctement. Pour leur faire plaisir, j'ai même fait l'effort de manger une pomme. Yes. Trop bien. Tout le monde est content. Iliana a mangé une pomme. Je l'ai vomi, leur foutue pomme. Mais maintenant, je dois faire face à un tout nouveau problème : l'heure qui s'affiche sur mon réveil. Il reste exactement une heure et cinq minutes avant qu'il ne sonne et mon ventre se tord.

Je n'ai pas envie d'y aller...

Une heure, cinq minutes. Il peut s'en passer des choses dans un laps de temps aussi long, mais pas chez moi. Je n'ai plus de rêves, même plus de pensées, je suis juste morte à l'intérieur. Si, j'ai bien un souhait, un seul et unique souhait, celui que ma vie redevienne banale. Je veux retrouver les limites que je m'étais fixées lors de mon entrée au lycée, retrouver ce schéma prédéterminé qui me semblait si étouffant à une époque : travail/bonnes notes, beach-volley/matchs perdus, mes amies/extraverties, et moi... je ne sais même plus qui je souhaite être désormais.

Énième coup d'œil à mon réveil. Une heure et trois minutes. Il faut que je me rende à l'évidence, je devrai bien me réveiller un jour et affronter de nouveau le monde extérieur. Alors, pour la première fois depuis au moins cinq jours, je me redresse dans mon lit, mon corps tout ankylosé après tant de temps passé allongée à ne rien faire, mis à part attendre, attendre quelque chose qui n'arriverait jamais. Je lance You Don't Know Love, de Olly Murs sur mon téléphone et je trouve le courage d'enfin me lever. Je désactive mon réveil et lui adresse un doigt d'honneur qu'il ne mérite peut-être pas, mais peu importe. Il est donc six heures quelque chose lorsque je foule le sol de ma chambre pour la première fois depuis des jours. Tant pis pour le réveil musical un peu brutal pour ma famille, Adam le mérite et mes parents sont sans doute déjà réveillés, trop angoissés par moi pour dormir. Je quitte mon pyjama qui sent affreusement mauvais et le jette dans le panier de linge sale. J'allume l'eau de ma douche et m'installe sous l'eau chaude pour me décrasser un peu. Je trouve même que me savonner n'est pas trop désagréable. Mes cheveux ont aussi le droit à un bon nettoyage. Je me sens de nouveau fraîche, au moins à l'extérieur.

Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant